ALGERIE : CLAP DE FIN ...

MUSTAPHA SEHIMI

Les Algériens se désintéressent des enjeux d’un scrutin présidentiel faisant l’objet d’une vive compétition entre les clans du sérail.

Le 18 avril 2019, les électeurs algériens sont appelés aux urnes pour désigner le futur président. Le 18 janvier a été signé le décret de convocation des électeurs par le chef de l’Etat en responsabilité, Abdelaziz Bouteflika. En responsabilité? C’est un abus de vocabulaire tant il est vrai qu’il n’est pas vraiment en état d’assumer la charge qui est la sienne depuis 1999. Victime d’un AVC depuis avril 2013, il finit aujourd’hui ... son quatrième mandat et tout est en place pour qu’il en sollicite un cinquième! Une situation singulière. Il est en effet dans une situation d’empêchement physique patente, publique, que l’on veut évacuer pour mettre en avant une «continuité» qui ne trompe personne. Les Algériens n’en sont pas dupes; ils se désintéressent des enjeux d’un scrutin présidentiel faisant l’objet d’une vive compétition entre les clans du sérail.

À cet égard, dans ce microcosme, qui est qui? Et qui veut quoi? Un cinquième mandat pour Bouteflika? Tout paraît se passer comme si un dispositif se mettait en place pour cadenasser par avance ce rendez-vous électoral au profit du président sortant. Six candidats proclamés de cinq partis se sont retirés. Il en reste vingt-six qui ne seront validés par le Conseil constitutionnel, le 4 mars, que s’ils réunissent le soutien formel de 60.000 électeurs ou de 600 élus locaux et régionaux mais dans 25 wilayas.

De fait, outre le président Bouteflika, il faut s’arrêter sur deux autres candidats, le général major Ali Ghediri et l’ancien Premier ministre Ali Benflis. Une situation inédite présidément du fait de la candidature de cet officier général à la retraite. Il s’est en effet fendu d’une déclaration, le 26 décembre 2018, faisant état de la «finitude» du système politique algérien. Il avait interpellé à cette occasion le général Ahmed Gaid Salah, chef d’état-major et vice-ministre de la défense nationale -ce département étant entre les mains de Bouteflika depuis 1999- en le responsabilisant comme «le garant de la Constitution». Il se prononçait ainsi contre le projet d’un report de l’élection présidentielle qui avait été concocté par le clan présidentiel formé de Saïd Bouteflika et du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, président du parti RND.

Ali Ghediri est ensuite monté d’un cran, le 19 janvier, en annonçant officiellement sa candidature et en déclarant qu’il avait décidé de «relever le défi».

Il justifie sa décision par le «désespoir du peuple, notamment sa jeunesse, la déliquescence de l’Etat et de ses institutions, l’Etat de non-droit, l’injustice sociale, la rente érigée en système, le népotisme et la corruption, l’autoritarisme, le clanisme et la prédation...» Il veut être le candidat de «la rupture sans le reniement» dans l’optique «d’une deuxième République». Il est comptabilisé sur le registre du tout puissant patron de l’ex-DRS, cet appareil sécuritaire dirigé alors par le général Mohamed Lamine Médiène, dit Toufik, limogé en septembre 2015. Tiendra-t-il la corde dans les prochaines semaines?

De même, comment va évoluer la candidature d’un autre outsider, Ali Benflis, annoncée le 20 janvier, et qui doit être validée par le comité central de son parti, Talaie El Hourriet. Il a déjà été candidat contre Bouteflika en 2004 avec 6,42% des voix puis en 2014 avec 12,18%, se classant deuxième et dénonçant dans un Livre blanc les fraudes électorales et le système mis sur pied lors de ce scrutin pour fausser la sincérité et la régularité de ce scrutin. Il dénonce constamment la «vacance du pouvoir» depuis des années, l’illégitimité et la non-représentativité du système politique du fait de l’existence d’«intérêts privés extraconstitutionnels agissant dans l’ombre...».

Les grandes chancelleries, elles, suivent plus près les contraintes et les hypothèques pesant sur la situation politique. Enfin, le Maroc en sa qualité de pays voisin demeure attentif et sourcilleux à propos de la stabilité en Algérie. L’offre royale d’une main tendue pour une normalisation des relations bilatérales n’a pas eu de suite, sans doute parce que, en l’état, aucun responsable algérien ne peut décider quoi que ce soit, tant que l’élection présidentielle n’aura pas été réglée, d’une manière ou d’une autre. La phase de tournage des acteurs et des figurants n’a que trop duré durant des années mais le travail des scénaristes et des metteurs en scène n’est pas encore achevé avant le clap de fin. Mais pour quelle production?

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