Le Yémen otage d'une guerre par procuration

Gabriel Banon Gabriel Banon

Cela fait plus de dix  ans que les Houthis  s’opposent au gouvernement  central  du Yémen. Ils lui  reprochent sa coopération avec,  à l’époque, l’administration de  George W Bush et s’alarment de  la situation socio-économique du  pays. En réalité c’est le projet du  découpage fédéral du pays, dans  lequel les zaïdistes, également  appelés Houthis, s’estiment lésés,  qui a mis le feu aux poudres.  Sur le terrain, le recours à une  rhétorique belliqueuse teintée de  références religieuses a confessionnalisé  le conflit.

Depuis, le Yémen s’enfonce dans  une guerre qui s’est rapidement  internationalisée par le désir  de Riyad d’arrêter l’Iran dans  sa politique expansionniste au  Moyen-Orient.  On se trouve alors dans une  véritable guerre par procuration,  l’un soutenant le Yémen sunnite,  l’autre aidant à l’expansion des  Houthis chiites.
Après plus de trois semaines de  frappes aériennes menées par  la coalition sunnite contre les  Houthis, le Yémen s’est enfoncé  un peu plus dans le chaos. L’arrêt  des bombardements devrait, en  principe, permettre la recherche  d’une solution politique. C’est  dans ce sens que le précédent  Président du Yémen, Ali Abdallah  Saleh a pressé ses alliés, les  rebelles chiites Houthis à se retirer  de la capitale, Sanaa, comme  l’exige l’ONU.

Hormis la lutte d’influence entre  l’Iran chiite et l’Arabie Saoudite  sunnite, que représente le Yémen  dans la stratégie géopolitique des  puissances concernées?  Des navires iraniens, soupçonnés  d’apporter des armes aux rebelles,  ont été obligés de faire demi-tour,  face aux navires de guerre américains  dépêchés au large des côtes  yéménites.
C’est que la situation géographique  du Yémen en fait un  élément clé dans la libre circulation  des pétroliers. En effet, le  pays donne sur la mer Rouge et  sur le golfe d’Aden. Entre les deux,  le détroit de Bab El-Mandel, vital  pour l’approvisionnement en  pétrole des Etats Unis, de l’Europe  et de l’Asie. C’est entre trois à  quatre millions de barils qui y  transitent tous les jours. Difficile  d’admettre l’Iran, là aussi,  maîtresse d’une route essentielle,  comme le détroit d’Ormuz, où elle  a déjà son mot à dire.

C’est naturellement que le conflit  au Yémen s’est invité aux négociations  USA-Iran sur le nucléaire.  Dans la crise yéménite, Washington  s’est rangé du côté des puissances  sunnites du Golfe, en leur  apportant un soutien militaire  logistique ainsi que l’accès aux  renseignements nécessaires.  Depuis son indépendance énergétique  retrouvée, l’Amérique révise  ses alliances et son redéploiement  géopolitique qui bascule vers  l’océan pacifique.  Pour le Moyen-Orient, avec un  membre de l’OTAN considéré peu  fiable, la Turquie, Washington se  rapproche à grands pas de l’Iran.  La crise au Yémen fait faire un  grand écart diplomatique spectaculaire  au Département d’Etat à  Washington.
Ecartelée entre le respect de ses  engagements avec les pays du  Golfe, sa recherche de la conclusion  d’un accord sur le nucléaire,  qu’elle juge historique, et sa  volonté de remettre l’Iran au  milieu du jeu au Moyen-Orient,  l’Amérique voit son action diplomatique  devenir une véritable  acrobatie.

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