L'ONU et la politique migratoire du Maroc


Régulariser, et après ?


Régularisation massive de la situation d’immigrants africains. Quoi leur offrir pour une vie décente? L’insertion socio-professionnelle est dans la réponse à cette question.

Avec une politique migratoire presque unique dans un environnement mondial marqué par un flux migratoire exceptionnel, le Maroc est souvent cité comme un cas à part. Il intrigue. On s’y intéresse au plus haut niveau politique. Les observatoires internationaux ne chôment pas. C’est dans ce contexte que Tendayi Achiume, envoyée spéciale de l’ONU chargée de la discrimination raciale, est en visite au Maroc pour la période du 13 au 21 décembre 2018. Son programme est chargé.

Durant son séjour, elle doit rendre compte d’un vécu sur le terrain, en parallèle des rencontres avec les responsables locaux et les superviseurs des conditions d’accueil et des démarches administratives de régularisation de la situation d’étrangers, pour une conformité avec les lois et les us et coutumes marocains. Il y a fort à parier que la responsable onusienne aura suffisamment de matière pour son rapport aux officiels de l’ONU et son carnet de voyage. Même si le créneau de cette visite arrive avec un peu de retard sur la 11ème édition du Forum mondial sur la migration et le développement, tenu les 6 et 7 décembre 2018 à Marrakech. Quelques chiffres pour situer le problème. 50 mille titres de séjour ont été délivrés à des étrangers illégalement établis au Royaume. Cette opération a pris cinq ans. Une fois terminée, un autre challenge, encore plus délicat s’est posé.

Réflexe conditionné
Quoi offrir à ces vagues successives de migrants de tous horizons sub-sahariens leur permettant une vie décente, dans un pays qui n’est plus une destination d’accueil, mais désormais un pays de séjour et de fixation plus au moins durable. Quel métier pour quelle formation déjà acquise ou à mettre à disposition?

D’après une étude du Haut commissariat au plan sur l’emploi au Maroc pour le compte de 2017, le taux de chômage des migrants est de l’ordre de 18,1% au niveau national. Celui-ci affecte particulièrement les jeunes âgés de 15 à 29 ans, soit 34,6% du total. Le peuple migrateur dans les terribles conditions que l’on sait, n’est pas forcément analphabète ou dénué de tout savoir-faire. Cette imagerie populaire relayée par les médias est démentie par le HCP, pour qui 54,1% des immigrants africains au Maroc ont un diplôme supérieur et 21,6 % un diplôme de niveau moyen; tandis que 23,4% n’ont aucun diplôme.

Et pourtant l’accès au marché du travail pour les immigrants est un vrai parcours du combattant. La carte de séjour ne signifie pas contrat de travail. Il est évident que l’insertion professionnelle et sociale est à ce prix. Il n’y a pas à s’en cacher; plus précisément dans un contexte fortement marqué par un chômage structurel et endémique. La plupart des migrants ne trouvent pas de travail dans le secteur formel où tous le droits sociaux sont acquis. Ils se réfugient soit dans la mendicité soit dans les petits boulots tel l’exposition à même le sol de produits artisanaux africains.

Le contact avec la société d’accueil se passe bien. Le commentaire qui revient le plus dans les têtes comme un réflexe conditionné, plus que par une extraversion mal vue, est celui d’étrangers venus manger le pain des Marocains. Quant à la préférence nationale chère à la droite française, elle passe surtout par des entreprises qui n’ont pas les moyens de recrutement même par solidarité, parmi les migrants africains, diplômés ou pas. À ce stade de crispation économique et à l’adresse de Tendayi Achiume. Il n’y a pas de place de ségrégation raciale mais uniquement de profits à prospérer quelle que soit la couleur de peau des demandeurs d’emplois.

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