Les révoltés du pouvoir d'achat

Seddik Mouaffak

Face aux pertes de pouvoir d’achat, une juste compensation s’avère plus que nécessaire.

Les révoltes du pouvoir d’achat, nées souvent hors syndicats et partis politiques, comme celles du mouvement des Gilets jaunes en France ou les grèves plus récentes des ménages tunisiens ou même les manifestations récurrentes des habitants de certaines petites et moyennes villes du Royaume qui protestent contre la hausse de certaines taxes ou contre la vie chère interrogent les dynamiques inégalitaires qui travaillent chacune de ces sociétés, bien que de manière différente, depuis plusieurs années.

Dynamiques inégalitaires qui touchent au revenu, tout d’abord, et qui condamnent les ménages à se serrer toujours davantage la ceinture, notamment face au poids croissant des dépenses incompressibles comme celles liées au logement, au transport ou même à la nourriture. L’injustice fiscale, ravivée par la surimposition des fruits du travail et la sous imposition des fruits du capital. Le stigmate périurbain, notamment dans le cas de la France, qui réduit certaines territoires à des zones de relégation et d’«inutilité» et ce malgré leur dynamisme démographique.

Au fond, ces révoltes auraient pu exploser bien avant. Car, depuis longtemps, les revenus du bas de la distribution sont en berne. Ce sont les catégories sociales les moins bien loties qui ont vu leurs ressources s’amoindrir. Le fossé entre les plus pauvres d’entre les pauvres et les riches ne fait que se creuser. Le nombre des pauvres ne cesse d’augmenter. En France comme au Maroc les pauvres se comptent en millions et vivent avec des revenus de misère. Dans le même temps; les hauts revenus ne font que s’envoler.

En France, les fortunes cumulées des grandes familles comme les Bettencourt et les Arnault représentent presque autant que ce que possède un tiers de la population française la plus démunie. Au Maroc, les écarts entre les riches familles disposant de patrimoines et les pauvres vivant au niveau de la survie ne font que s’accroître. Certes ces inégalités sont plus atténuées en France du fait que ce pays bénéficie des taux élevés de redistribution des richesses et d’un système de protection sociale qui fait office de «modèle». Et pourtant, depuis les années 1980, les écarts entre riches et pauvres ne font que se creuser. Par contre, au Maroc, le système de protection sociale est très loin de répondre aux besoins des citoyens.

Entre les plus riches et les plus pauvres, les classes moyennes arrivent à s’en sortir tant bien que mal . Une frange de ces classes moyennes inférieures se trouve néanmoins sous la menace d’un déclassement vers le bas. Figurent dans cette frange de la population tous les salariés dont le pouvoir d’achat n’augmente que faiblement ou même ne fait que stagner. Face, donc, à ces inégalités et aux pertes de pouvoir d’achat devenues presque inévitables, la compensation la plus juste des perdants est absolument nécessaire.

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