Transport en commun à Casablanca: Taxis brousse à la marocaine



L’incendie d’un bus de la compagnie M’dina bus, le 15 janvier 2019, a mis en lumière l’état de délabrement des transports en commun à Casablanca et le laxisme des pouvoirs publics de la capitale économique.

L’incendie qui s’est déclaré à bord d’un véhicule de la compagnie M’dina bus, sur le boulevard Anfa, en plein centre de Casablanca, remet au centre des débats l’état de délabrement et la gestion du transport public dans la capitale économique du Maroc. Ce service est encore et toujours défaillant, et pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir l’état de délabrement avancé des bus circulant à tombeau ouvert qui entassent les citoyens casablancais comme dans des boites de sardine, les privant de tout confort. Parler de l’état lamentable des bus en circulation, c’est parler d’engins vétustes, dont certains prennent feu subitement en mettant en danger la vie des passagers, en plus de l’insécurité ambiante, dont vols et agressions.

A qui la faute?
Le Conseil de la ville de Casablanca et la société délégataire n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente sur les manquements de chacun. Ils se rejettent depuis des mois la responsabilité de l’état actuel du service. M’dina Bus accuse la commune de ne pas avoir honoré ses engagements contractuels, occasionnant des préjudices estimés à quatre milliards de dirhams.

Pour sa part, la commune accuse le délégataire de non-respect des investissements stipulés par le contrat de gestion déléguée. Mais le plus gros préjudice est celui subi par les millions de Casablancais qui supportent quotidiennement une qualité de service indigne, un parc de bus vétuste et hautement polluant, des accidents à répétition, des pannes en série… Prendre le bus à Casablanca est une aventure pour les usagers qui, dès qu’il le peuvent, préfèrent désormais voyager en tramway.

Des bus bondés
Une décadence pour une ville qui est censée disposer de véhicules dans les normes, régulièrement contrôlés pour assurer des prestations en toute sécurité. Surtout celle des passagers qui sont, chaque jour, plus de 900.000 à utiliser ce moyen de transport sur les 75 lignes de bus desservies par M’dina. Le plus alarmant est que les responsables de la gestion de la ville semblent s’accommoder d’un tel mépris pour les Casablancais.

En effet, depuis plus de dix ans, des centaines de bus privés circulent en ville. Ces carcasses transportent des millions de passagers dans l’illégalité la plus totale, sans aucun contrat, ni concession, ni licence.

Les gestionnaires de la ville sont responsables de cette situation chaotique. Quand la ville donne en concession un service public à un privé, qui va bien entendu en tirer des bénéfices, elle est censée le faire suivant un cahier des charges supposant des obligations, des normes, des contrôles techniques et des sanctions en cas de manquement. Ce n’est visiblement pas le cas. De son côté, M’dina bus a montré ses limites et son incapacité à gérer le secteur des transports casablancais.

Les bus de la société délégataire se font rares, ce qui oblige les usagers à attendre longtemps dans les stations, notamment aux heures de pointe. Et quand les bus arrivent, ils sont souvent bondés. Une crise insoutenable pour les usagers. Faute de solutions proposées par les autorités, la majorité d’entre eux se rabattent sur le transport clandestin, notamment durant les heures de pointe.

Vice de forme
La qualité de service n’a cessé de se dégrader pour atteindre aujourd’hui un niveau critique. Pour en finir avec cette situation intenable pour les habitants de Casablanca, Casa-Transports avait lancé, au mois de juin 2018, un appel d’offres afin de désigner le successeur de M’dina Bus, délégataire jusqu’en novembre 2019.

Le Tribunal de Rabat vient d’annuler cet appel d’offres pour vice de forme et incompétence. M’dina Bus n’a pas raté l’occasion pour faire valoir ses droits en pointant du doigt l’absence de régulation de l’autorité délégante. L’exclusivité du service n’est pas respectée et la lutte contre l’informel jamais activée.

Les Lux Transport, Chennaoui et Rafahia continuent d’exploiter plusieurs lignes, alors que leurs contrats sont arrivés à terme depuis 2009, il y a 10 ans! La concurrence déloyale des taxis blancs qui circulent impunément en centre-ville et dans la banlieue, en plus du transport clandestin, sans oublier le tracé du tramway qui emprunte les trajets les plus porteurs: l’intermodalité tramway/ bus promise par la ville n’a jamais vu le jour. M’dina dénonce également des couloirs bus jamais mis en place, pourtant promis par la ville, ni les couloirs d’approche, encore moins la priorité au feu.

Des élus en dilettante
L’encombrement des voies est tel qu’aujourd’hui la vitesse commerciale des bus avoisine parfois les 3 km/h dans l’hyper-centre, alors que les subventions du transport scolaire, des réquisitions, des dégâts dus aux matchs de football ou autres manifestations n’ont jamais été payées par la ville. Toutes ces doléances ont été confirmées dans le rapport d’audit de KPMG qui a valorisé les dommages et intérêts à 4 milliards de dirhams. Et c’est le contribuable qui mettra la main à la poche pour réparer les erreurs de ses élus. En quatorze années de gestion déléguée du transport collectif par bus et 28 conseils d’administration, le représentant de l’autorité délégante, c’est-à-dire le Conseil de la Ville de Casablanca, n’a que rarement assisté à ces réunions, sachant que la Commune de Casablanca a constitué un comité de suivi composé de 3 personnes chargées de la concession, de l’investissement et de l’autorisation lesquels sont aux abonnés absents.

Triste situation
Pire, la réunion triennale où l’autorité délégante est censée faire pression et recadrer le délégataire, n’a jamais été tenue. Désormais, il semble probable que la ville de Casablanca soit condamnée à vivre dans ce perpétuel chaos jusqu’en 2021, soit la date du renouvellement des instances élues.

Une triste situation pour les 141 millions de voyageurs casablancais qui sont transportés chaque année pour ces taxis-brousse à la sauce marocaine. En comparaison, la première ligne de tram de Casablanca a transporté 157 millions de voyageurs sur 5 ans. Vivement l’ouverture des futures lignes de tramway pour désencombrer le trafic dans la capitale économique et permettre à ses habitants de voyager dans le confort et la dignité.

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