Commerce mortel
La loi du marché établit un rapport de cause à effet systématique entre les prix et la consommation. Plus les étiquettes affichent une tendance à la hausse, plus les consommateurs potentiels y réfléchissent à deux fois avant de mettre la main à la poche. À l’évidence, cette régulation, voulue naturelle par les dogmes du libéralisme économique, n’a aucune prise sur le sujet de cette chronique.
Le marché des psychotropes y échappe allégrement. Il se porte bien, et même de mieux en mieux, en toute circonstance. C’est en gros et dans le détail ce que révèle le dernier compte-rendu de la Direction générale de la Sureté nationale (DGSN), daté du 27 février 2017. Il y a eu saisie de 230.914 unités d’Ecstasy, durant les seuls mois de janvier et de février; une quantité pratiquement égale à la moitié de ce qui a été intercepté sur toute l’année 2016, soit 481.646 unités. Sans être addict à la chiffrite, on saisit aisément une inquiétante courbe qui s’envole. Hausse des tarifs, mais aussi de la consommation. C’est tout le problème qui donnerait des insomnies aux économistes les plus dépendants des tablettes statistiques.
Le commun des citoyens aura constaté par lui-même que ce commerce anéantissant a pris les proportions d’un fléau qui menace la jeunesse du pays. Il est dit dans la définition scientifique de l’Ecstasy, entre autres produits du même type, qu’il altère les fonctions cognitives du cerveau. C’est dire le ravage que peut provoquer cet antidépresseur hallucinant. On en prend la mesure lorsqu’on sait que les dealers ambulants se bousculent sans discrétion aux portes des établissements scolaires.
Mais attention, la consommation de cette drogue à mort lente n’est pas l’apanage du petit peuple, comme on a tendance à le croire, dès lors qu’il faut en avoir les moyens. Elle traverse toutes les couches de la pyramide sociale. À cette différence près que ceux qui ne peuvent pas se payer ce moment de bonheur factice, deviennent agressifs au point de s’attaquer à la personne pour le prix d’une plaquette “libératrice”. Ce n’est pas un hasard si les addicts de la tranche pauvre représentent une bonne part des effectifs de la petite délinquance et de la population carcérale. Le HCP de Ahmed Lahlimi serait bien inspiré d’initier une enquête dans ce sens, en collaboration avec l’administration pénitentiaire.
Le communiqué de la DGSN a bien fait de rappeler que l’Ecstasy, produit chimique composite, est fabriqué dans les laboratoires clandestins de pays européens, en particulier. Comme quoi, il est parfois avantageux de ne pas céder à la tentation d’acquérir ce type d’alchimie déshumanisante. La gamme, riche et variée, de la famille des psychotropes, avec une citation particulière pour l’Ecstasy, relève d’un commerce de contrebande.
Elle nous parvient de nos frontières du Nord et de l’Est. Nos frères ennemis algériens, par exemple, nous gratifient régulièrement de chargements entiers de ces pilules destructrices. Alors que leurs frontières avec le Maroc sont officiellement fermées. Sans vouloir leur mettre tous les phénomènes sur le dos, nos chers voisins sur notre flanc Est se feraient un plaisir de nous faire ce cadeau empoisonné