L'AMGHAR EST MORT

Décès de Mahjoubi Aherdan, leader du mouvement populaire, 99 ans

Militaire de formation, poète et écrivain par passion, politique par conviction, Mahjoubi Aherdan est considéré comme le défenseur attitré du monde rural et amazigh.

Il est des personnages politiques que l’Histoire retiendra pour toujours sans pour autant saisir avec précision toutes les péripéties de leurs parcours. Tellement ils sont atypiques. Mahjoubi Aherdan, décédé dans la matinée du dimanche 15 novembre 2020, dans une clinique à Rabat, à l’âge de 99 ans, en fait partie.

C’est en 1921, dans la localité de Oulmès, relevant de la province de Khémisset, dans le Moyen Atlas, que M. Aherdan voit le jour. Le Maroc est alors sous protectorat français et espagnol. Le Moyen Atlas est à l’époque loin d’être soumis ou pacifié selon la terminologie de la Résidence générale. Les faits d’armes du grand résistant Moha ou Hammou Zayani, notamment, sont toujours vivaces dans la région et au-delà. C’est dans ce climat que grandit M. Aherdan.

Après des études au lycée Tarik Bnou Ziyad d’Azrou, il rejoint l’académie militaire de Meknès, l’Ecole militaire Dar El Baida, à l’époque, dont il sort avec le grade d’officier, en 1940. Après la Deuxième Guerre mondiale, M. Aherdan, qui avait combattu au sein de l’armée française, sera nommé en 1949, caïd d’Oulmès. Il sera déchargé de ses fonctions en 1953, quand il s’est déclaré contre la déposition du sultan Mohammed V et s’est mis à dos le pacha de Marrakech, Thami El Glaoui, et son mouvement contre le sultan.

Libertés publiques
En 1956, au lendemain de la proclamation de l’Indépendance, M. Aherdan, membre du Conseil national de la résistance, est nommé gouverneur de Rabat. Une année plus tard, en 1957, on le retrouve aux côtés de Abdelkrim El Khatib et Lahcen Lyoussi. Mahjoubi Aherdan se réclamait comme étant un disciple de ce dernier. Tous les trois vont fonder un nouveau parti, le Mouvement populaire en l’occurrence. Le MP qui n’a été reconnu officiellement qu’en 1959, tiendra son deuxième congrès en 1962 à Marrakech au cours duquel Aherdan sera élu secrétaire général. Un poste qu’il occupera jusqu’en 1986 quand il a été mis en minorité au profit de Mohand Laenser.

Quatre ans après avoir perdu son poste de secrétaire général, M. Aherdan lance un nouveau parti, le Mouvement national populaire. Une formation avec le même objectif, défendre le monde rural et l’amazighité. Il y restera jusqu’en 2006 quand les partis issus de la mouvance populaire se sont réunifiés au sein d’une même structure: le MP, avec M. Laenser comme secrétaire général et Mahjoubi Aherdan comme président. Cette qualité, il l’a gardée jusqu’à sa mort.

La carrière politique de M. Aherdan, l’Amghar comme on le surnommait, ne se résume pas uniquement à sa qualité de dirigeant de parti. Il a été nommé dans le première gouvernement formé par Hassan II, en 1961, au poste de ministre de la Défense. Un poste qu’il a gardé jusqu’en 1964. Cette année, il sera nommé ministre de l’Agriculture puis, en 1965, ministre de l’Agriculture et de la Réforme agraire. Il reprend le département de la Défense de février 1966 à mars 1967.

Au début du processus démocratique en 1976/77, M. Aherdan est désigné ministre d’État chargé des postes et des télécommunications en 1977 avant d’être nommé ministre d’État chargé de la coopération dans le gouvernement de Mâati Bouâbid et ministre d’État sans portefeuille dans le gouvernement de Mohamed Karim Lamrani aux côtés des autres chefs de parti politique. Mission: défendre la marocanité du Sahara. Dans un message de condoléances, S.M. le Roi décrit M. Aherdan comme étant quelqu’un qui a servi son pays à travers ses oeuvres louables et son engagement précoce dans la résistance à l’occupation et la défense de l’indépendance du Maroc et son intégrité territoriale comme il a fait preuve de compétence dans les différentes hautes responsabilités gouvernementales qu’il a occupées avec dévouement et abnégation.

M. Aherdan, qui a été député, a été aussi poète, artiste et peintre. Le défunt est resté attaché à son terroir et à son village natal de Oulmès. C’est dans ce village qu’il a été enterré ce lundi 16 novembre 2020. Il aura vécu presque un siècle, une vie pleine qu’il a décrite dans son livre Mémoires, dont le deuxième tome est paru en 2014.

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