Entretien avec Amine Diouri, directeur études et communications d'Inforisk

Pour Maroc Hebdo, le directeur études et communications du cabinet Inforisk, Amine Diouri, revient sur les risques qui pèsent sur les entreprises marocaines du fait de la crise actuelle due à la pandémie de Covid-19.

Etat d’urgence sanitaire oblige, beaucoup d’entreprises marocaines se sont retrouvées en arrêt d’activité, et on parle notamment du risque de défaillance d’un grand nombre d’entre elles. Avez-vous pu faire de premières estimations à ce niveau?

Amine Diouri : Nous suivons bien évidemment la situation de près, mais nous ne pouvons, pour l’heure, pas encore communiquer d’estimation exacte, puisque l’état d’urgence sanitaire n’a été déclaré que récemment. De plus, cet état d’urgence a une incidence directe sur le fonctionnement des tribunaux commerciaux, qui s’est considérablement ralenti et par conséquent cela peut fausser la donne sur le nombre d’entreprises qui seraient actuellement en difficulté, puisque c’est les données juridiques qui nous permettent d’habitude de calculer ce nombre. Mais il est sûr que cette crise aura un impact, si ce n’est d’ores et déjà le cas.

Quels sont selon vous les secteurs les plus à risque?
Amine Diouri : Je dirais bien sûr l’hôtellerie, le tourisme, la restauration, le commerce de détail… Comme vous le savez, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, la cessation des activités des entreprises travaillant dans ces secteurs a été décrété. Mais ce qui m’inquiète surtout le plus, et cela nous n’avons jamais cessé de le souligner à Inforisk, c’est que du fait de la crise actuelle les délais de paiement se rallongent encore plus, notamment pour les très petites entreprises (TPE).

Déjà, il fallait 212 jours en moyenne, d’après ce que nous avions trouvé dans une étude que nous avons publié il y a quelques semaines de cela, à cette dernière catégorie d’entreprise pour recevoir les paiements qui lui sont dûs. L’Etat doit à mon sens, et ce d’autant plus que le contexte actuel l’impose, faire en sorte que ces entreprises, qui constituent la majorité de notre secteur privé, soient payés dans les délais impartis.

Faut-il en conclure que les TPE seront les plus affectées par la crise actuelle?
Amine Diouri : Je le crains bien.

Et que pensez-vous des mesures prises pour l’heure par le comité de veille économique (CVE) installé par le gouvernement? Sont-elles suffisantes selon vous pour sauver les entreprises qui se retrouveraient en difficulté du fait de la crise?
Amine Diouri : Il faudra attendre pour voir, dans la mesure où le CVE n’en est qu’au début de ses travaux et que je crois comprendre que d’autres mesures vont suivre. Ceci dit, ce qui a le plus retenu mon attention, c’est la mise en place du fonds spécial pour la gestion du coronavirus et qui, comme vous avez dû le voir, est en passe de dépasser les 30 milliards de dirhams de dons. Comme on l’a vu notamment en France, cette somme pourrait contribuer à financer des garanties de prêt, de sorte à assurer pour les entreprises des liquidités incessamment. C’est d’autant plus important dans la conjoncture actuelle.

Quel est selon vous le principal enseignement de la crise actuelle?
Amine Diouri : C’est la solidarité. Je vois que les entreprises coopèrent plus, qu’elles prennent en compte les difficultés des unes et des autres, ferment les yeux quand il s’agit par exemple de recevoir un paiement. C’est un état d’esprit très positif, fondamental pour tirer vers le haut le secteur privé de notre pays et qui doit, à mon avis, persister même au-delà de la crise.

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