Annulation de l'édition 2017 du Festival international du film de Marrakech


Est-ce la fin?


Cette pause semble nécessaire et parfaitement indiquée. Mais c’est tout un système qui est appelé à revoir sa copie.

Le FIFM est mort. Mais vive le FIFM. Car derrière la décision d’annuler, le vendredi 30 juin 2017, l’édition 2017 du Festival international du film de la ville de Marrakech, puisque c’est de lui qu’il s’agit, il ne faut pas nécessairement voir la mort du plus marquant événement cinématographique du Maroc. Mieux, celle qui s’annonce l’année d’après devrait aider à le replacer dans les calendriers internationaux, comme c’était l’ambition de la fondation l’organisant, présidée par le prince Moulay Rachid, à son lancement en 2001. «Ce devrait être la meilleure édition d’un festival de cinéma jamais organisée dans le monde arabe et en Afrique», ambitionne-t-on même du côté du Centre cinématographique marocain (CCM). À cet égard, des contacts auraient déjà été noués avec d’importantes agences événementielles internationales pour supplanter Le Public Système Cinéma, dont le contrat n’a, au bout de quatorze ans de collaboration, pas été renouvelé.

On parle notamment de firmes de renom basées en Europe, spécialement en France, et en Amérique du Nord. On n’en saura toutefois pas plus: il faut dire que les négociations se déroulent dans le secret. «Le public en sera informé au moment opportun », confie une source proche du dossier. À partir de là, le FIFM peut-il vraiment se relancer? Ou, en d’autres termes, aura-t-il les moyens nécessaires pour ce faire? Car c’est sur le plan pécuniaire qu’indéniablement cela se joue. Si le Dubai International Film Festival, organisé comme son nom l’indique dans la cité-État de Dubai, aux Émirats arabes unis, est, ainsi, parvenu en si peu d’années en s’imposer sur la scène cinématographique internationale, c’est justement parce qu’il chauffe la carte de crédit quand il le faut.

“C’est trop gros pour nous”
Le Maroc, pays relativement pauvre au regard de son revenu moyen par habitant, ne peut pas se permettre d’être aussi dépensier. Et quand bien même, qu’y gagnerait-il vraiment? Du prestige? «Chiche, rétorque un cinéaste national, dont les oeuvres ont pourtant eu droit de cité au festival. Les gens viennent uniquement profiter de Marrakech, qui, il est vrai, est une très belle ville. Ils sont nourris et logés aux frais de la princesse. Dans leur tête, ils doivent certainement se gausser de nous.» Un producteur d’abonder dans le même sens: «C’est trop gros pour nous. En plus, il n’y a même pas de marché à côté, comme c’est le cas des grands festivals, où on peut vendre des films à des distributeurs et des chaînes de télévision.»

La direction artistique de Le Public Système Cinéma, assurée par Bruno Barde, est également mise en cause. Ce dernier est notamment accusé de délocaliser à Marrakech le Festival du cinéma américain de la ville de Deauville en France, dont il supervise également le programme, au détriment du cinéma national. Ainsi, au cours de l’édition 2016 du FIFM, pas un seul film marocain n’a été sélectionné. «Pas au niveau», rétorquait-il, quand les médias nationaux lui avaient posé la question; des réalisateurs mettent cependant son argumentaire en doute. «La même année, le film «Starve Your Dog», du réalisateur Hicham Lasri, avait été sélectionné au Festival international du film de la capitale de l’Allemagne, Berlin», rappelle un producteur. Et de se demander, ironique: «M. Barde s’y connaît-il mieux que ses compères allemands? J’en doute fort.» Beaucoup reconnaissent cependant au Français mais également à son binôme la directrice sortante du FIFM, Mélita Toscan Du Plantier, qui avait pris la suite de son défunt époux Bruno Toscan Du Plantier, d’avoir pu ramener à Marrakech des sommités du septième art, à l’instar des réalisateurs Francis Ford Coppola, Emir Kusturica ou encore Martin Scorsese.

Recette gagnante
Un public trié sur le volet a même pu avoir droit à leur bonne parole au cours de “master classes” tenus à l’occasion de leur venue. L’édition 2018 ne devrait pas déroger à la règle. D’après les sources jointes par nos soins, des figures du cinéma dit “du monde”, c’est-à-dire non occidental, devraient se voir accorder davantage de lumière. Le cinéma africain, qui connaît une forte embellie par les temps qui courent, notamment dans l’Ouest du continent, sera particulièrement visé. La recette peut être comparée au Festival de musique Rythmes du monde, de Mawazine de la capitale, Rabat, qui savamment mêle pop bon teint habituée des top charts et découvertes susceptibles d’initier les plus fouineurs des dilettantes.

On l’a vu, elle est désormais gagnante. Des cinéastes nationaux sont toutefois d’avis que si le FIFM doit être maintenu, tout en étant nécessairement revu par rapport à sa forme actuelle, une égale attention devrait être apportée aux autres festivals nationaux, à commencer par celui de la ville de Tanger, dont les conditions sont souvent miteuses malgré la qualité internationalement reconnue de la production.

De même, d’après eux, le CCM devrait être doté de moyens plus conséquents afin de pouvoir financer davantage de films, ou du moins améliorer ce qui doit l’être en termes notamment de technicité. La formation des cinéastes devrait, à cet égard, être inscrite en priorité. En tout état de cause, si réforme il y a à faire, le FIFM ne doit assurément pas être le seul concerné. C’est en effet tout un système qui est appelé à revoir sa copie. Pour rester en tout cas à Marrakech, la pause semble, a posteriori, nécessaire et parfaitement indiquée. Elle devait même, tout bien considéré, avoir lieu bien avant. Quoi qu’il en soit, il n’est jamais trop tard. Le FIFM a toujours vocation à être international et, bien plus, incontournable.

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