Une brève histoire de mes tympans

WISSAM EL BOUZDAINI

On aurait voulu composer un requiem pour la musique marocaine qu’on ne s’y serait pas pris autrement

Au moment où j’ai commencé à écrire cette chronique, j’ai appris la mort de Stephen Hawking, qui est sans doute le physicien le plus célèbre au monde depuis Einstein. Ce décès n’a rien à voir avec ce qui va suivre, mais je tenais tout de même à rendre hommage à l’auteur d’Une brève histoire du temps, qui a joué un important rôle dans la vulgarisation de la physique et réussi à convertir un grand nombre de personnes, dont moi-même, à la mécanique quantique.

Plutôt cette semaine, je vais vous parler de fission nucléaire; j’aurais du moins cru qu’il s’agissait de cela à en juger de l’état actuel de mes tympans, si je ne m’étais rappelé que mes oreilles s’étaient en fait non retrouvées à Hiroshima ou Nagasaki début août 1945, mais qu’elles avaient été coup sur coup victimes, à une journée d’intervalle, de Settati, Lamjarred, Hatim Idar et Daoudia, en attendant visiblement le fameux «Iiihaaaab » avec un autre largage de single en perspective.

On aurait voulu composer un requiem pour la musique marocaine qu’on ne s’y serait pas pris autrement. Mais quel est donc ce complot que d’aucuns ourdissent pour nuire à la santé auriculaire des masses? Si je n’avais été échaudé par l’affaire d’un confrère poursuivi par des associations de médecins pour avoir traité nos chers toubibs nationaux d’escrocs, j’aurais dit qu’il s’agissait là de l’œuvre d’ORL diaboliques (et illuminatis, pour ajouter un peu de sel à ma «théorie», pour rester au langage de la physique).

En ce qui me concerne particulièrement, j’insiste à dire que je suis victime d’une véritable persécution, dont les fils remontent à mon arrivée aux États-Unis, où je m’étais installé en juillet dernier comme je l’avais expliqué dans une précédente chronique. Un peu trop Marocain sur les bords, j’avais décidé de louer de préférence avec des compatriotes, croyant ainsi avoir encore des gens à qui je pourrais parler football sans avoir à préciser que je ne faisais pas référence à l’autre sport à la noix où on court comme un dératé avec un ballon dans les mains. Je pouvais même tolérer qu’ils aimassent le championnat italien au prétexte que c’est celui que suivent les vrais connaisseurs -la blague- ou que, pire encore, ils soient du Real Madrid. Mais jamais je n’aurais imaginé qu’ils fussent des fans d’Ayman Serhani!

Qui ça? Moi-même je n’aurais pu répondre à cette question avant ma traversée de l’Atlantique. Mais aujourd’hui Dieu merci, et après avoir eu à écouter ledit énergumène à longueur de journée, aujourd’hui donc je peux même vous corriger si vous vous trompez d’intonation dans votre «Éhé éhé» ou «Saïss saïss», sans oublier bien sûr le «Jibou li Hayat» (j’espère ne pas perdre le respect de M. Selhami et de mon hypothétique fan club après cette chronique). Je crois en tout cas avoir suffisamment expié mes années d’enfance où je faisais subir à mes parents du Jordy pendant leurs road trips estivaux. En quittant ce monde, Stephen Hawking ne rate sans doute pas grand-chose.

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