Ce football qui fout le camp

Abdellatif Mansour Abdellatif Mansour

Faites vos jeux, les jeux  sont faits, rien ne va  plus à la Fédération  royale marocaine de  football. Ce n’est pas  vraiment une information, parce  que l’impression largement partagée  est que cela a toujours été ainsi.  Le signe distinctif de cette fédération  est une instabilité chronique  devenue carrément une marque de  fabrique.

Pourquoi est-ce ainsi? Voilà une  question qui vaut un but décisif à  la fin du temps additionnel. Dans  le foot, comme dans tous les sports  collectifs, il n’y a que trois parties  prenantes directement impliquées:  la fédération, qui assure la gestion  administrative; le sélectionneur,  censé choisir les meilleurs joueurs  pour mettre en action sa stratégie  de jeu en fonction des particularités  de son adversaire; et les joueurs  retenus, supposés être au top de  leur art et de leur rendement.  Lorsque les résultats ne sont pas  probants, c’est l’un des composants  de cette trilogie qui est incriminé,  avant que des personnes physiques  ne passent à la trappe. Au Maroc,  on a régulièrement fait le tour de la  question, en mettant hors-jeu l’un  de ces trois protagonistes. En général,  c’est le fusible le plus faible de la  chaîne qui saute, le sélectionneur.  Le dernier fait d’une actualité qui  bégaye est le limogeage, mercredi  10 février 2016, de Baddou Zaki,  sélectionneur de l’équipe nationale.  Vingt mois à ce poste, c’est déjà une  performance. Il a été sanctionné  pour résultats insuffisants. C’est  sans appel.

On peut être pour ou contre ce  verdict, là n’est pas la question. Elle  est plutôt dans cette consommation  effrénée et inlassablement répétitive  de sélectionneurs dont le Maroc  détient un riche palmarès. On a pu  dire que les entraîneurs étrangers  sont excessivement chers, sans  être forcément plus compétents  que les nationaux. En fait, les  uns et les autres ont été sujets à  la même valse; de Henry Michel  à Eric Gerets, en passant par  tant d’autres; et de Abdelkhalek  Louzani à Baddou Zaki, en passant  par Rachid Taoussi, entre autres.  Hervé Renard, auquel on vient de  faire appel, est un fin connaisseur  de l’Afrique, où il a baroudé au  service de plus d’un pays. Il sait à  quoi s’en tenir, ce qui ne devrait  pas trop le déranger.

Auparavant, c’est l’instance  administrative qui a été dans l’oeil  du cyclone. Bien que l’élection des  présidents successifs ait été généralement  programmée et quasiment  pré-ficelée; à ce niveau aussi, la  méthode des sièges éjectables n’a  pas été payante, non plus. L’arrivée  mouvementée de Faouzi Lakjaâ  fera-t-elle exception? Rien n’est  moins sûr.

Reste les joueurs, qui constituent  le troisième partie de la trilogie. Il a  été souvent dit que l’équipe nationale  compte de bonnes individualités.  Le seul problème est qu’ils ne  jouent pas souvent ensemble pour  acquérir des automatismes collectifs.  Voire. Ce handicap est le même  pour tous, y compris les grandes  nations du football.

Le tour du propriétaire est donc  fait, mais la problématique reste  entière: Comment redonner au  football marocain le prestige et  l’estime dont il jouissait dans les  années 60, 70 et 80? En attendant  la recette adéquate, sans qu’elle soit  vraiment magique, il n’y a d’autre  recours qu’un empirisme éclairé ,  efficace, productif et sincèrement  sportif. On ne peut quand même  pas dissoudre le public pour cause  de président décalé, de sélectionneur  improductif ou de joueurs  surévalués. Ce serait comme  dissoudre le peuple électeur pour  cause de députés mal élus.

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