CHABAT S'AGITE



Alors qu’approche le prochain congrès du Parti de l’Istiqlal, beaucoup donnent le secrétaire général de la formation comme étant fini. Pourtant, mieux vaut ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.

Hamid Chabat n’a ni survécu au Viêt Nam, ni encore moins libéré l’Afghanistan ou la Birmanie. Pourtant à y voir de près, le secrétaire général du Parti de l’Istiqlal (PI) a bien des allures de Rambo. Non bien sûr en termes de musculature -il s’est même, au contraire, empâté avec l’âge- mais dans sa propension, encore plus improbable quand on sait qu’il s’agit de la réalité et non d’une production hollywoodienne, à se sortir des pires situations. La preuve la meilleure, c’est qu’il est toujours là au top, malgré plus de 43 ans de politique politicienne dont il serait fastidieux de ressasser les détails dans leur intégralité, et quelque 66 complots ourdis selon ses dires à son encontre, comptait-il encore la veille de son élection à la tête du PI, en 2012. Son film à lui cependant, il risque bien de rapidement tourner en eau de boudin. Alors que s’annonce en effet à partir du 29 septembre le prochain congrès du PI, M. Chabat se retrouve pour le moins sur la sellette. En cause principalement, ses sorties à tous points de vue hasardeuses, voire sulfureuses, et qui lui ont valu des inimitiés jusque dans son propre camp (la majorité du bureau exécutif se dresse contre lui, et peut-être même le conseil national).

Sorties hasardeuses
Du secrétaire général du Rassemblement national des indépendants (RNI), Aziz Akhannouch, qui en prend pour son grade pour avoir refusé de siéger dans un gouvernement qui compterait également le PI, au ministère de l’Intérieur, accusé de vouloir exercer sa «mainmise sur le jeu politique» (le fameux tahakkom), en passant par la Mauritanie, redevenue le temps d’une rencontre de l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) -le syndicat istiqlalien- «une province marocaine »... Rambo, lui, au moins, prenait toute une trilogie pour combattre ses différents ennemis.

M. Chabat semble en fait s’être retrouvé pris à son propre piège. Ses déclarations distillées avec fracas, c’est en grande partie grâce à elles qu’il a en fin de compte petit à petit pu grimper les échelons et prétendre par là même depuis cinq ans au titre d’héritier d’Ahmed Balafrej, Allal El Fassi et autres Mhamed Boucetta (bien que certains Istiqlaliens devraient s’étrangler d’une telle comparaison, c’est cependant la réalité vraie).

Droit dans le mur
À son arrivée aux commandes, on disait d’ailleurs qu’il avait été parachuté, si ce n’est du moins poussé, pour parer à un autre tribun en vogue, en l’occurrence le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), Abdelilah Benkirane, qui dirigeait alors le gouvernement.

Sa méthode n’a toutefois pas, au final, porté ses fruits. Non seulement il a, ainsi, mené le PI droit dans le mur, en le faisant justement sortir du gouvernement de M. Benkirane (14 sièges perdus aux élections législatives d’octobre 2016, de deuxième à troisième force politique du pays), mais il a en plus perdu au change sa place de maire de Fès qu’il avait douze ans durant, jusqu’aux élections communales de 2015, assurée sans discontinuer, sans parler bien sûr de la direction du parti, qu’il doit bien être le seul à croire encore pouvoir diriger.

Il avait d’ailleurs failli, dès décembre 2016, être sans autre forme de procès débarqué, si ce n’était l’impératif de gérer alors les tractations avec M. Benkirane pour la formation de la nouvelle majorité (finalement mises en sourdine après la fameuse déclaration sur la Mauritanie, et la quasi crise qui s’en était suivie avec le voisin du sud, si ce n’était l’intervention du roi Mohammed VI). M. Chabat a décidément de la ressource. Le PI, lui, pas vraiment, si l’ancien syndicaliste venait à rempiler, à en croire ses détracteurs. “Lors de la campagne électorale (législative, ndlr), les gens nous disaient vouloir voter pour nous, sauf qu’ils craignent que Chabat ne devienne chef du gouvernement,” se lamentait en février 2017 dans nos colonnes l’ancienne ministre de la Santé, Yasmina Baddou, qui venait alors d’être suspendue de toute activité au sein du parti en raison de ses critiques répétées à l’encontre de M. Chabat (lire n°1198, du 17 au 23 février 2017).

En l’état, beaucoup voient aujourd’hui dans la candidature de l’actuel président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Nizar Baraka, pour le poste de secrétaire général l’unique issue possible pour le PI pour pouvoir de nouveau redevenir le premier parti politique du pays.

Portrait au négatif
Aux antipodes de M. Chabat, presque un portrait au négatif de ce dernier -personnalité plus mesurée, beaucoup moins porté sur la polémique et les petites phrases-, l’ancien ministre de l’Économie se dit en tout cas prêt à assumer un tel magistère et nous avait même assuré, lors de la rencontre qu’il nous avait accordée le 4 septembre à Rabat, vouloir offrir une porte de sortie honorable à l’actuel secrétaire général. “Le parti doit mettre en avant une vision, donner du sens à ce qu’il défend et à son programme,” soutenait-il.

M. Chabat acceptera-t-il cependant l’offre que compte lui faire M. Baraka? Pour l’heure, la réponse semble en tout état de cause être non. Lors de l’annonce de sa candidature le 12 septembre au siège du PI -signe qui ne trompe pas, il s’est présenté seul cette fois, avec l’absence remarquée de même ceux dont on disait qu’ils étaient ses fidèles lieutenants, à l’instar d’Abdelkader El Kihel, Abdellah Bekkali et Adil Benhamza, qui semblent avoir viré leur cuti au profit de M. Baraka-, il a ainsi traité son vis-à-vis de tous les noms. “Suppôt de l’administration”, “fossoyeur du parti”,... tout ou presque y est passé. Pis, l’ancien syndicaliste a encore fait des siennes, en s’en prenant -encore- directement au ministère de l’Intérieur et en remettant sur la table la théorie du tahakkom. “Si tous les partis politiques deviennent des béni oui-oui, comment voulez-vous qu’ils fassent leur travail d’intermédiation, comme le veut le Roi? Qu’ils agissent en pare-chocs en cas de crise sociale? A-t-on besoin de préciser que c’est le ministère de l’Intérieur et ses services qui ont détruit ces pare-chocs?” Des propos qui sont, pour le moins, sans équivoque.

Capacité de résilience
M. Chabat semble donc bien décidé à rempiler. “Chabat n’abandonnera jamais, tonne-t-il d’ailleurs en parlant de lui à la troisième personne. Il ne dira au revoir que quand il mourra par la volonté d’Allah.” Et au vu de son incroyable capacité de résilience -comme Rambo, en somme-, on serait bien tenté de le croire. Car bien des fois au cours de sa carrière, on l’a dit fini. Sa femme et ses enfants se sont même retrouvés emprisonnés à cause de lui -quand il menait les émeutes urbaines de Fès en 1990, et pourtant il n’a jamais lâché le morceau. Ce n’est, en fait, pas la première fois que M. Chabat se retrouve en aussi mauvaise posture. Mais si celle-ci était en fin de compte celle de trop? D’ici la fin du prochain congrès du PI, le mieux semble en tout cas de rester ouvert à toutes les possibilités...

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