Crainte de dévaluation du dirham face aux devises étrangères


Pas de garde-fous contre la spéculation


Les fluctuations du taux de change auront donc un impact sur les prix et la compétitivité des opérateurs économiques nationaux et, partant, de l’économie nationale.

Il est indéniable que lorsqu’on entame le processus de flexibilité du dirham, il n’existe aucune manière de faire marche arrière. C’est ce qui inquiète les opérateurs et les citoyens qui craignent les effets inflationnistes sur les prix à la consommation ou ceux des intrants.

Lundi 15 janvier 2018 était donc le premier jour qui a marqué dans l’histoire de la politique monétaire du Maroc l’entrée en vigueur du système de change flexible. L’annonce était discrète. Bank Al Maghrib et le ministère des Finances ont voulu éviter que le scénario de juillet 2017 ne se reproduise. A cette époque, les banques avaient encouragé une spéculation contre la monnaie nationale, ce qui a entraîné une chute inquiétante des réserves en devises au deuxième trimestre 2017. La spéculation en question a été constatée et même chiffrée pour la première fois par l’Agence de notation américaine Fitch, qui avance que les banques marocaines ont augmenté leurs actifs en devises de près de 16 milliards de DH entre le 28 avril et le 7 juillet 2017, soit une hausse de 56%. Et pour corroborer ces révélations, l’Agence a démontré que les réserves marocaines en devises ont diminué de 14,3% au 7 juillet 2017 comparé à leur niveau de fin avril de la même année pour atteindre 209 milliards de dirhams, leur niveau le plus bas en deux ans.

Suite à cette chute vertigineuse, le Wali de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri, et le ministre des Finances, Mohamed Boussaïd, avaient décidé le report de l’entrée en vigueur de la réforme. Sans donner d’échéance précise. Mais cela n’a pas épargné aux banques de la place une mise au point du gouverneur de BAM, qui a dénoncé publiquement et sans retenue une spéculation contre la monnaie nationale.

Existe-t-il aujourd’hui des garanties pour que ce type de spéculation ne se reproduise pas? Aucune. Dans le discours de Bank Al Maghrib, on parle de cibler l’inflation pour qu’elle soit cantonnée dans la limite de 1,5% ou 2%, mais on ne donne pas les mesures d’accompagnement pour atténuer les chocs. Pas de garde-fous. Tout ce qu’on sait, c’est que le cours de la monnaie nationale flottera un peu plus, mais à l’intérieur d’une bande fixée à 5% par les autorités monétaires, sachant que depuis 2015, le panier de cotation du dirham est de 60% pour l’euro et 40% pour le dollar. D’autres garde-fous n’ont pas encore été mis en place.

Spéculation contre le dirham
L’accentuation de la volatilité des cours de change devrait inciter les opérateurs économiques exposés au risque de change à utiliser les instruments de couverture proposés par le secteur bancaire. Le coût de ces couvertures est jugé cher par nombre d’entre eux. Et quand le coût augmente, entraînant l’inflation des prix des intrants, la hausse des prix des produits finis commercialisés localement est inévitable. La résultante est une baisse de la compétitivité des produits marocains. Cela portera un sérieux coup à la production et à l’industrie locales, plombant ainsi les chances du Maroc de prétendre à devenir une économie émergente en 2020.

L’Agence Fitch estime que les avantages directs sur la compétitivité extérieure marocaine et sa capacité d’absorption des chocs économiques seront modestes au début, du fait de l’étroitesse des bandes de fluctuations, du moins au lancement de la réforme. L’Agence encourage donc à une plus grande souplesse du régime de change, chose qui pourra augmenter la marge de manoeuvre de BAM pour orienter la politique monétaire vers le ciblage de l’inflation, surtout avec la ligne de précautions et de liquidité (LPL) accordée par le FMI, qui constituera un garde-fou. Ce qui signifiera une dépendance de notre politique monétaire vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux

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