Une croissance pauvre en création d'emplois

Meriem Bensalah Chaqroun et Mohamed Boussaïd.

La baisse du déficit budgétaire en 2017 a engendré une hausse du coût de la vie


Création d’emplois insuffisante, faible compétitivité de l’économie, manque de visibilité des opérateurs économiques, qui ralentissent leurs projets d’investissement… Voici le bilan de l’année 2017 sur le plan économique.

Ce n’est qu’au mois de juin 2017 que la loi de finances a été adoptée au parlement. D’octobre 2016 à mai 2017, l’économie nationale a connu une longue pause le temps de la composition d’un gouvernement.

Une perte de temps dont les répercussions ne peuvent pas être quantifiables aujourd’hui, mais les conséquences seront certainement visibles à la fin de l’année en cours. Tant pis donc pour les opérateurs économiques et les investisseurs, locaux et étrangers, qui attendent des signaux clairs pour la relance de la machine économique en vue de la sortir de sa torpeur qui se répercute directement sur le vécu quotidien des ménages marocains et leur pouvoir d’achat.

Près de six mois de retard avec leurs conséquences négatives sur l’économie nationale, la croissance, les investissements publics et leur impact sur le moral des patrons et des investisseurs étrangers. Six mois de mise en veilleuse des commandes de l’Etat, ce qui a plombé la trésorerie des entreprises dont le business est étroitement lié aux marchés publics (80 à 85% pour les PME).

Malgré tout cela, Mohamed Boussaïd, le ministre des Finances, s’est voulu rassurant devant le parlement le 27 avril 2017, pour dire que le climat de morosité s’est dissipé. M. Boussaïd a promis de relancer l’économie et compte même réaliser un taux de croissance du PIB de 4,5% cette année, avec un taux d’inflation de 1,7% et un déficit budgétaire n’excédant pas 3%. À l’exception du taux d’inflation, ces hypothèses semblent se concrétiser à la fin de l’année. Une croissance basée sur une très belle croissance du PIB agricole, bien entendu.

Tendance baissière
Mais le taux de 4,4% ne reflète pas une croissance forte. Car il s’agit d’une croissance économique molle, tributaire d’un investissement timide et qui ne crée pas de l’emploi. Les créations d’emploi au niveau de l’économie, qui étaient en moyenne annuelle de 186.000 postes entre 2001-2008, ont baissé à seulement 70.000 postes entre 2008-2015. Et en 2016 et 2017, la tendance baissière s’est poursuivie. Car il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas une adéquation entre la croissance démographique et celle économique. Les structures économiques n’ont pas permis de valoriser le potentiel offert par l’effet démographique. Entre 2000 et 2014, la population en âge de travailler (15 ans et plus) a augmenté de 27,8% contre une croissance de 20,4% du nombre d’emplois.

Concernant le déficit budgétaire, qui, selon le gouvernement, poursuit son amélioration par rapport à l’année passée, il faut savoir que ce rééquilibrage budgétaire s’appuie sur la réduction du budget de l’investissement public et de la décompensation, non sur une démarche globale en matière de réforme fiscale avec pour finalité d’élargir l’assiette de l’impôt et promouvoir une plus grande équité, comme le préconise d’ailleurs le FMI.

Un financement frileux
Le déficit commercial, pour sa part, est en détérioration et ce en dépit du comportement favorable des exportations de l’automobile, de l’aéronautique, du phosphate et des produits agroalimentaires et des produits miniers. Difficile à croire mais, c’est la vérité. Cette détérioration est attribuée à la seule forte progression des importations énergétiques, selon le ministère des Finances !

Ce qui est frustrant, c’est la faible valeur ajoutée des secteurs non agricoles, qui constituent le véritable talon d’Achille de l’économie nationale, sachant que les investissements dans les infrastructures économiques et sociales et les réformes de structure n’ont pas encore donné leur plein effet, en termes d’attractivité vers les secteurs productifs des capitaux privés, en particulier nationaux.

Le niveau de croissance de l’économie nationale continuerait à rester dépendant de la pluviométrie tournant autour de 2% en cas de mauvaises années agricoles, et de 4%, dans les cas contraires. Et le modèle économique continue à se baser sur la consommation des ménages, surendettés, et des entreprises, étouffées par un système de financement qui n’encourage pas l’investissement et qui est frileux face aux risques.

Improvisation et opportunisme
Le faible niveau de diversification et de compétitivité de l’offre nationale se retrouve au coeur des fragilités de la demande, laquelle continuerait à être le moteur de la croissance économique nationale. Il continuerait à réduire par ses effets les opportunités d’emploi et de revenu, accentuerait la dépendance de la demande intérieure des importations et constituerait, en définitive, l’une des sources dont s’alimentent les équilibres intérieurs et extérieurs de notre pays. Concernant notre dépendance de la demande extérieure, c’est le signe de faiblesse de toutes les politiques économiques. Car le Maroc continue de dépendre dans ses relations commerciales extérieures d’une Europe dont la croissance se redresse difficilement et les intérêts de ses pays membres sont au-dessus de toute autre considération.

Et même quand on initie des actions de diversification des marchés extérieurs, ce sont les mêmes grandes entreprises qu’on privilégie et qu’on encourage au détriment des petites et moyennes entreprises qui ont un potentiel important d’innovation susceptible de relever la compétitivité de l’offre marocaine.

L’appel royal à une révision du modèle économique et du modèle de développement du Maroc est venu à point nommé pour mettre fin à des politiques économiques d’improvisation et d’opportunisme qui affaiblissent davantage notre compétitivité sur un marché mondialisé où la concurrence est rude.

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