Pas de fumée sans feu

Abdellatif Mansour Abdellatif Mansour

Il y a autant de journées internationales  de ceci ou cela,  qu’il y a de jours dans le  calendrier, à 24 heures près  pour les années bissextiles, tous  les quatre ans. La journée mondiale  de lutte contre le tabagisme  en fait partie. C’était le mardi 31  mai 2016. Un moment approprié  qui permet d’apprécier l’évolution  de ce secteur sous trois angles  interactifs, consommation, imposition  spécifique et rentrée fiscale.  Valeur aujourd’hui, 18% des  Marocains fument, dont 33,5%  d’hommes et 3,3% de femmes;  précisions supplémentaires: 24%  des fumeurs ont moins de 20 ans,  dont 10% d’enfants. Par ailleurs,  60% ont essayé d’arrêter, sans  succès.

Il va sans dire que les ravages  du tabagisme sur la santé sont  énormes. Le cancer des poumons,  pour cause de fumage ou d’enfumage,  est plus expéditif que les  autres. Ceci pour la consommation.

Côté comptabilité financière, la  contribution du tabac conditionné  au Trésor public a atteint, aux  quatre premiers mois de l’année  courante, 315 milliards de centimes,  soit une hausse de 18%  comparée à la même période de  l’année dernière. Avec ses 37,81%,  le revenu fiscal du tabac dépasse  ainsi des monopoles d’État tels  l’OCP, Maroc Telecom et la CDG,  respectivement plafonnés, à ce  jour, à 200, 155 et 35 milliards de  centimes. Près de 900 milliards  de centimes issus du tabac sont  attendus à la fin 2016, contre 833  milliards de centimes pour les trois  monopoles sus cités.

Dilemme pour les fumeurs, décevoir  leur contrôleur du fisc ou  désespérer leur médecin traitant.  De ce point de vue strictement  comptable, il est difficile de faire  un quelconque reproche à l’entreprise  historique Régie des Tabacs,  partiellement puis totalement privatisée  en 2003 et 2006 pour la  coquette somme de 10 milliards  de dirhams. Une très belle affaire.  Pourtant, le nombre des fumeurs  a régulièrement diminué.

Pas moins de 17,8% d’accros ont  décroché depuis 2012, date du  lancement de la hausse permanente  de l’imposition sur ce genre  de produit. Cela peut paraître  paradoxal; mais en apparence seulement.  Car, le relèvement continu  de l’impôt sur le tabac, conjugué  aux campagnes anti-tabagisme, y  sont pour quelque chose. Ils ont  permis et l’alimentation du volume  de la contribution fiscale et le recul  de la consommation.

Il y a lieu, malgré tout, de mettre  quelques bémols. L’imposition  effrénée sur un produit ciblé  comme le tabac, ne peut pas être  éternellement productive. On peut  imaginer que ce sont les petites  gens, à petit revenu, qui, de guerre  lasse, décrocheront les premiers.  Les amateurs de gros cigares, eux,  se résigneront à chercher d’autres  sources d’approvisionnement à  moindre frais.

L’un dans l’autre, par la baisse tendancielle  du nombre de fumeurs  ou la hausse soutenue des prix  prohibitifs, l’assiette fiscale finira  bien par se contracter jusqu’à faire  peau de chagrin.  À terme, il y aura donc moins de  fumeurs, mais aussi moins de  contributeurs. Le paradoxe apparent  sera levé. Et, une fois n’est  pas coutume, la santé du public se  portera mieux que le fisc

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