La débâcle de l'équipe nationale de football en coupe d'Afrique

Hervé Renard: "Vous pouvez me tirer dessus"

Trois ans après avoir pris les commandes des Lions de l'Atlas, Hervé Renard serait en passe de rendre son tablier. Pour l'heure il laisse, quoi qu'il en soit, un goût d'inachevé chez une grande partie des supporters de la sélection.

Depuis l’élimination de la sélection nationale, le 5 juillet 2019, en huitième de finale de la coupe d’Afrique, un grand nombre d’observateurs du football national donnaient Hervé Renard comme partant. Notre confrère Jalal Bouzrara affirmait même, le 16 juillet, sur le plateau de l’émission Saât al-CAN sur la chaîne Médi 1 TV que c’était d’ores et déjà acté et que la Fédération royale marocaine de football (FRMF) attendait seulement la fin de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) pour officialiser la chose. Ce serait, en tout état de cause, attendu puisqu’en tant que sélectionneur national, le concerné est, du moins sportivement, responsable en dernier ressort des résultats de la sélection nationale en huitièmes de finale de la reine des compétitions footballistiques africaines.

Évaluer la participation
Lui-même déclarait d’ailleurs à l’issue de la sortie des Lions de l’Atlas «assumer». «Vous pouvez me tirer dessus,» avait-il même, ce jour-là, lancé aux journalistes. En fait, M. Renard a, dès après l’élimination, ouvert la voie à un départ, dans la mesure où il a déclaré que «chacun prendra les décisions qu'il doit prendre en son âme et conscience»; devait cependant être réglée la question de ses indemnités, puisqu’au titre de son contrat, qui pour rappel avait été renouvelé à l’issue de la Coupe du monde jusqu’en 2022, il peut prétendre à l’ensemble de ses émoluments, soit la somme rondelette de 50 millions de dirhams. Mais toujours selon M. Bouzrara, le Français serait prêt à y renoncer, d’autant qu’il aurait déjà des touches avec l’Arabie saoudite, dont le poste de sélectionneur est vacant depuis son élimination en huitièmes de finale de la Coupe d’Asie des nations en janvier 2019. Difficile de croire que M. Renard partira les mains vides.

Des poulains "fatigués"
Pour leur part, les cadres de la sélection préféreraient sans doute voir M. Renard continuer. Romain Saïss, qui a été titulaire dans l’axe gauche de la défense pendant les quatre matchs de la CAN, a ainsi déclaré dans une interview au bihebdomadaire français France Football que «sur le fait que les joueurs veulent qu'il reste, je pense qu'il n'y a pas de souci là-dessus ». D’autres, avant lui, ont également tenu des propos du même tonneau. En ce qui s’agit du staff, c’est une autre paire de manches.

Mustapha Hadji, adjoint de M. Renard après avoir été celui de Badou Zaki, a ainsi révélé dans une déclaration à Radio Mars qu’aussi bien lui que Patrice Beaumelle, l’autre adjoint qui par contre avait été ramené par le sélectionneur dans ses bagages, avaient notamment été d’avis que l’équipe tourne au dernier match de poules face à l’Afrique du Sud, à un moment où la qualification aux huitièmes avait déjà été assurée. A ses yeux, cela aurait permis aux joueurs d’aborder la rencontre face au Bénin, au cours de laquelle ils ont finalement été éliminés (1-4 aux penalties, après un nul 1-1 à la fin des prolongations), avec plus de fraîcheur.

M. Renard avait d’ailleurs lui-même annoncé vouloir reposer à ce match certains de ses poulains à l’instar de Hakim Ziyech, «fatigué» de l’aveu de M. Saïss après une saison où il aura été un des fers de lance de l’AFC Ajax aux Pays-Bas, avec à la clé le doublé coupe-championnat et une élimination dans les ultimes secondes de jeu en demi-finales Ligue des champions de l’UEFA (Union européenne de football association).

Des clubs champions
Pourquoi le sélectionneur s’est-il ravisé? Est-il vrai qu’il a des chouchous? Déjà, avant la CAN, on l’avait accusé de privilégier un groupe de joueurs, à savoir les francophones avec lesquels il partage la même langue, au détriment des autres, à commencer par les Botolistes, c’est-à-dire issus de la Botola, le championnat national.

Un élément parmi d’autres qui peut laisser penser cela, même si ce n’est pas forcément vrai, est le peu de cas fait de ces derniers, alors même que les clubs nationaux trustent les premières places à l’échelle internationale -le Wydad deux fois finaliste en trois ans de la Ligue des champions; consécration du Raja, en décembre 2018, à la Coupe de la confédération, suivie de la place en finale de la même compétition de la Renaissance de Berkane en mai.

Mais c’est surtout l’affaire du penalty donné, en amical face à la Gambie, au Franco-Marocain Fayçal Fajr au lieu de Abderrazak Hamed Allah, qui avait ravivé la flamme de la polémique: s’il est vrai qu’il s’agissait d’une consigne de M. Renard, d’aucuns ont considéré que le meilleur buteur du dernier championnat d’Arabie saoudite -34 buts en 26 matchs, record absolu- pouvait gagner en confiance en le tirant, d’autant qu’il revenait en sélection après près de quatre ans d’absence -depuis le nul (1-1) face à la Guinée en amical à Agadir en octobre 2015- et était appelé à être le 9 attitré des Lions à la CAN.

La polémique ravivée
Finalement, M. Hamed Allah était, le lendemain, éconduit du stage tenu au Centre national de football de Maâmoura, à Salé, au prétexte d’une blessure «au niveau du dos et de la hanche» (dixit un communiqué de la FRMF), non sans s’attirer la sympathie du public, prompt à se reconnaître en lui: en amical encore face à la Zambie quatre jours plus tard, son nom sera scandé par les travées du Stade Moulay-Abdellah de Rabat, et à son entrée de jeu ainsi qu’à chaque fois qu’il touchera le ballon, M. Fajr sera hué.

Amitiés fatales
Ce qui semble avéré, c’est que M. Renard a une ossature en qui il a une confiance presque aveugle; chose que l’on peut comprendre puisqu’elle lui a permis de qualifier le Maroc, en 2017, pour ses premiers quarts de finale de CAN en treize ans puis, quelques mois plus tard, sa première Coupe du monde en 20 ans, entre autres résultats positifs. Il avait, ainsi, continué à convoquer certains joueurs exilés dans le Golfe, alors même qu’il avait clamé, à sa nomination en février 2016, qu’il ne ferait appel à aucun élément s’expatriant au-delà du Sinaï. Un des meilleurs entraîneurs de l’histoire, le Hongrois Béla Guttmann voyait en ce rapport affectif tendant à se nouer au fil du temps entre un technicien et ses joueurs une chose «fatale» et conseillait à partir de là à ses confrères de ne pas s’éterniser plus de trois ans sur un banc. Peut-être le temps est-il simplement venu pour M. Renard de partir, en dehors de son apport incontestablement positif au football national...

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