Le député-maire de Laâyoune Hamdi Ould Rachid, sur tous les fronts

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L’homme qui veut sauver l’Istiqlal


A la tête de la fronde anti-Chabat, Hamdi Ould Rachid est bien décidé à redonner à l’Istiqlal ses lettres de noblesse.

Hamdi Ould Rachid aurait bien pu se la couler douce, tranquillement, sans avoir à fourrer son nez dans la politique ou se faire un sang d’encre pour son pays et plus spécifiquement sa région, le Sahara.

Après tout, il en a la fortune -des millions de dirhams de patrimoine et de juteuses affaires dans les domaines de l’agriculture et de la pêche notamment-, et à bientôt 70 ans, il en aurait également le droit au titre d’une retraite bien méritée. Mais l’homme fort des Reguibat, la tribu emblématique du Sahara marocain, doit estimer qu’il en a encore sous le coude et qu’il a toujours beaucoup à apporter -ce qui n’est pas totalement faux.

Un “patriote sincère”
Ainsi, aussi bien en tant que député- maire de Laâyoune, qu’il dirige depuis 2009, président de la région de Laâyoune-Sakia El Hamra (depuis 2015) qu’encore membre actif du bureau politique du Parti de l’Istiqlal (PI), c’est presque devenu un meuble dont il est difficile de se séparer dans le paysage politique national.

Surtout en ces temps fatidiques, où la question du Sahara semble entamer un tournant crucial dans son développement. Avec son frère Khalihenna, président du Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes (CORCAS), ou encore l’ancien président de la chambre des conseillers et ancien ministre de la Santé, Mohamed Cheikh Biadillah, il fait partie de ces éminentes personnalités du cru sahraoui qui n’hésitent jamais à monter au créneau pour défendre l’intégrité territoriale de leur seul et unique pays, le Maroc.

À cet égard, beaucoup se souviennent de son intervention émouvante au parlement, début 2016, en réaction aux propos cavaliers du secrétaire général de l’époque de l’Organisation des Nations unies (ONU), Ban Ki-moon, sur la prétendue “occupation” par le Maroc de son Sahara. Ce véritable hymne au pays donné depuis le haut du perchoir avait suscité des réactions élogieuses de la part de toute la classe politique, comme celle du chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, qui avait qualifié M. Ould Rachid de «patriote sincère».

Ce dernier semble toutefois plus guidé par les idéaux nationalistes que sa prestigieuse famille porte de père en fils que par les dithyrambes qu’il peut bien recevoir. «J’ai été élevé dans l’amour de mon pays,» ressasse-t-il, en se rappelant son parcours depuis sa plus tendre enfance.

Cet amour, c’est sans doute ce qui l’a amené ces derniers mois à mettre les pieds dans le plat au PI, après s’être rendu compte, à l’instar de la majorité de ses pairs du bureau politique du parti, que Hamid Chabat menait la doyenne des formations politiques marocaines à la dérive (surtout après ses déclarations polémiques sur la “marocanité” de la Mauritanie).

Une importante aura
Ce dernier l’accusera notamment de vouloir prendre sa place, et l’intéressé démentira énergiquement. «Je ne veux pas devenir secrétaire général,» affirmait- il en mars au journal électronique Goud. Et tout du moins, il a bien tenu parole. «Beaucoup croient qu’il est mû par des calculs personnels, mais c’est se tromper à son sujet, témoigne un istiqlalien qui connaît bien le patriarche sahraoui. Il n’hésiterait sans doute pas à se sacrifier pour son pays.»

La plupart des dirigeants du PI semblent en tout cas avoir rapidement compris que M. Ould Rachid était la seule personne de l’appareil du parti, en raison de son importante aura, à même de sauver ce dernier et se sont d’ailleurs rapidement ralliés à lui au moment où il s’est mis en tête de la fronde anti-Chabat. Nizar Baraka, grand favori pour prendre les commandes du PI, a ainsi très tôt pris langue avec lui.

Un personnage consensuel
Si pour l’heure M. Chabat continue de résister -ses partisans ont ainsi sciemment provoqué l’incident de la bataille d’assiettes entre autres pour faire reporter l’élection-, il devrait tôt ou tard, quoi qu’il en soit, céder. M. Ould Rachid est en effet réputé pugnace. «Chabat a enfin trouvé quelqu’un à sa mesure,» ricane un autre Istiqlalien.

M. Ould Rachid aurait cependant bien pu s’être depuis longtemps retiré des affaires. En 2009, il y aurait en tout cas, d’après certains proches que nous avons consultés, sérieusement réfléchi, après avoir eu maille à partir avec certains dirigeants du ministère de l’Intérieur de l’époque, en la personne notamment du wali Mohamed Jalmous.

Ce dernier, dit-on, aurait tenté de favoriser le Parti authenticité et modernité (PAM), qui venait d’être créé un an plus tôt, au Sahara marocain, où le PI est traditionnellement ancré. S’en étaient cependant suivies des tensions dans la région, sachant la nature tribale de celle-ci, qui auraient culminé lors des fameux et tristes événement des camps de Gdeim Izik. «Hajj Hamdi en avait été horrifié, c’est là qu’il a décidé de rester, parce qu’il craignait que la région ne bascule dans le feu et le sang,» affirme un proche. Depuis lors, quoi qu’il en soit, son fief de Laâyoune n’a presque plus connu de heurts. Dans le chef-lieu du Sahara, M. Ould Rachid semble en effet faire l’unanimité. Car même dans les rangs séparatistes, on respecte le personnage.

«C’est quelqu’un qui s’est quand même battu contre le colonialisme espagnol, alors qu’il aurait très bien pu collaborer et acquérir un pouvoir et une richesse beaucoup plus importante que ceux dont il dispose actuellement,» se rappelle un militant associatif local. Imposer la paix des braves M. Ould Rachid parviendra-t-il donc à imposer la paix des braves également au PI? Il en semble en tout cas largement capable. «Hajj Hamdi fait consensus, c’est cela son plus grand mérite,» observe-t-on au sein du parti.

En ces temps d’incertitude en tout cas, les Istiqlaliens doivent bien espérer que M. Ould Rachid ne se mette pas à réfléchir à la retraite. Au moins, jusqu’à ce qu’émerge la relève: son fils, Mohamed Ould Rachid, serait tout au moins aussi doué, et pourrait bien également se retrouver, aux côtés de son père, dans le bureau politique du parti dès la fin du congrès en cours...

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