DES NOCES IMPROBABLES

Abdellatif Mansour

ON NE NOURRIT PAS UN FOYER CONJUGAL QUE D’AMOUR ET D’EAU FRAÎCHE.

À quel âge se marie-t-on dans le Maroc d’aujourd’hui? De plus en plus tard, relève une récente enquête de l’institut Family Optimise, spécialisée dans les questions de familles et de vie conjugale.

L’assiette de cette opération a englobé 8 mille sondés dans le monde arabe. Le niveau du mariage tardif a atteint 60% des femmes et des hommes interrogés, où le Maroc est représenté. Lorsqu’on fait la part des choses selon le genre, cette estimation globale est manifestement plus forte chez les femmes que parmi les hommes. Elle a augmenté de 4,6% dans le premier cas, et de 2,6% dans le deuxième. Avec respectivement un âge moyen de mariage de 28 ans et de 27 ans, pour une tranche d’âge de 18 à 24 ans. Ce ne sont là que des moyennes statistiques; la réalité est beaucoup plus parlante. Elles renseignent, tout de même, sur un état de fait d’une grande signification socio-économique et démographique. Dans la culture arabo-musulmane qui est la nôtre, les filles qui ne veulent pas ou qui ne trouvent pas le compagnon de route souhaité semblent avancer plus vite en âge que les garçons. Elles sont rapidement perçues comme vieilles, avant l’âge.

Un qualificatif psychiquement ravageur, aux relents existentiels, qui peut pourrir tout une vie. La société est intraitable sur le statut biologique d’une féminité reproductrice. Toute autre aspiration à une éventuelle liberté dans le choix d’un mode de vie n’est jamais à l’ordre du jour. Pour preuve, la grande réticence à la légalisation de l’avortement volontaire; malgré toutes les précautions et les conditions dissuasives. Les jeunes premiers de leur génération ont le beau rôle. Quant aux célibataire endurcis, ils se plaisent à être la cible de plus ou moins jeunes filles à la recherche désespérée d’une béquille masculine.

On ne nourrit pas un foyer conjugal que d’amour et d’eau fraîche. Ce serait d’une beauté bohémienne qui conduit droit à la séparation. Un aspect que l’étude en question traduit par le pourcentage de divorce après un premier mariage. Un registre où le Maroc et les Émirates arabes unis tiennent le haut du pavé avec un taux de 40%. Tout ceci pour en arriver à une vérité première. Le facteur essentiel du mariage tardif n’est rien d’autre que le chômage. Le lien de cause à effet est tout simple; pas de revenu, pas de salaire, pas de mariage. Il n’y a d’autre choix que de retarder l’échéance des épousailles, en attendant des lendemains meilleurs.

Dans cette attente imposée, la baisse tendancielle de la procréation n’attend pas. Elle creuse un déficit démographique qui ne sera visible qu’une vingtaine d’années plus tard; en l’absence de ceux qui devaient naître vingt ans plus tôt. C’est là toute la recette d’un vieillissement annoncé de la population. Ce qui est précisément le cas du Maroc où les jeunes sont officiellement considérés comme la richesse essentielle de la nation. Sauf que ces jeunes se retrouvent souvent au ban de la société, sans même cette pulsion instinctive de contribution à la pérennité de l’espèce.

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