Driss Fahli
La politique et le sexe ont ceci de commun: Ils dopent la libido et conduisent à l’extase une fois arrivé au sommet. A ce niveau, les hommes politiques s’aperçoivent que la femme défraîchie qui les a accompagnés depuis des années dans leur combat n’est plus en mesure de leur stimuler les frissons de la dopamine. Ils en changent ou trouvent une maîtresse plus fraîche et vivent ainsi dans le menterie jusqu’à l’apparition du scandale. Vivre dans la menterie chez l’homme politique n’est d’ailleurs pas vraiment gênant. Cela fait partie des ficelles et du cœur du métier avec une tendance à crever le plafond en campagne préélectorale. Ce fut le cas pour la gâterie du Président Clinton et la stagiaire Monica Lewinsky qui lui a été envoyée par la main invisible. Ce fut aussi le cas pour le président Chirac «qui ne pensait qu’à ça» avec ses nombreuses et supposées conquêtes. Bien avant lui la double vie de Mitterrand et son harem avaient fait la une des media de l’époque. Le top en la matière ayant été atteint dans ce domaine par Dominique Strauss-Kahn.
Sexe et pouvoir vont donc de paire. Le premier gave le second, qui en nourrit la dynamique politique. Partant de là, on peut facilement sauter le pas et dire, que les privés de sexe auront de piètres performances. Le problème commence avec l’amour. Woody Allen disait que le sexe apaise les tensions et l’amour les provoque.
Dans les Etats démocratiques, l’aventure extraconjugale des dirigeants politiques reste généralement dans la sphère privée. Le moment où les pulsions sexuelles dépassent la raison politique dépend des Etats, des mentalités et de l’enrobage religieux de la société. Plus celui-ci est épais et cerné par le «fiqh» mal interprété, plus la ligne est proche. Si, en plus, les concernés appartiennent à un parti qui se réclame idéologiquement de l’Islam et qu’ils sont affublés de ses atours islamo-politiques pour madame et de l’inévitable barbe à la même mode, avec la marque des génuflexions sur le front en cerise sur le gâteau pour monsieur, la ligne rouge est située au ras du premier regard sensuel. Pour ces deux croyants, puisse Dieu les aider à dépasser leurs pulsions par les prières, l’homme doit baisser les yeux et le reste et s’en aller le cœur lourd et le reste en peine; et la femme doit préserver sa chasteté ad vitam aeternam. Elle n’aura pas à désespérer, car «à toute fève abîmée, Dieu pourvoit un coq borgne» pour la picorer. C’est du moins ce que dit le proverbe. Le comble sociétal, c’est quand l’homme et la femme, mariés, islamistes et ministres par dessus tout, tombent amoureux l’un de l’autre et fricotent ensemble. C’est de l’adultère théoriquement puni par le Wahhabisme saoudien de flagellation, voire de lapidation et de condamnation à mort.
Le Maroc n’est heureusement pas l’Arabie pour les tourtereaux ministres qui viennent de se faire démissionner du gouvernement Benkirane. Habib Choubani et Soumaya Benkhaldoune peuvent enfin vivre leur relation (en cachette) sans être convoqués pour comptes rendus. Le Maroc n’est pas l’Arabie mais il a un problème avec le sexe. Il est partout à portée de main ou de portefeuille mais l’hypocrisie sociétale empêche de le vivre au grand jour.
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Des tourtereaux dans le viseur
- par Driss EL FAHLI
- 14-05-2015
- Chronique