ESSOUFFLEMENT ALGÉRIEN

Wissam El Bouzdaini

Nous ne sommes sans doute pas les mieux indiqués pour juger du  taux d’abstention aux élections législatives algériennes du 4 mai  2017 (seulement 35,53% de participation). Au cours de nos législatives  d’octobre 2016, nous n’avons nous-mêmes pas vraiment fait  mieux: à peine quelque 43%, sachant que ce pourcentage ne concerne que  les personnes inscrites sur les listes électorales (ce qui, soit dit en passant, est  également le cas en Algérie).

Comparaison n’est toutefois pas raison. Au Maroc  en effet, la défiance concerne les partis politiques, non le système en lui-même,  largement du reste plébiscité par les Marocains comme le pourtant très hostile  quotidien français Le Monde l’avait, en 2009, relevé dans un sondage sur les  dix premières années de règne de Mohammed VI. L’Algérie peut-elle en dire  autant? Il y a lieu de rendre à César ce qui est à César en rappelant le rôle qu’a  joué le président Abdelaziz Bouteflika dans la pacification du pays après onze  ans de guerre civile (1991-2002).

À cet égard, sa “concorde civile”, adoptée après sa première élection en 1999,  a fait date. Ceci dit, M. Bouteflika a fait long feu. Alors que la concorde devait,  croyait-on, donner lieu à une Algérie nouvelle, le voisin de l’Est s’est trouvé  ramené au statu quo ante bellum, où l’Armée nationale populaire (ANP)  continue encore de tirer les ficelles de la politique locale, en en profitant, au  passage, pour s’engraisser. Pis, l’accident vasculaire cérébral qu’avait essuyé,  en 2013, M. Bouteflika et qui tient, depuis, le président algérien cloué à son  fauteuil roulant a été l’occasion pour l’ANP d’effectuer un véritable coup d’État  blanc: l’armée avait presque immédiatement jeté son dévolu sur le ministère de  la Défense en la personne de son chef d’État-major, le général de corps d’armée  Ahmed Gaïd Salah, sans parler du placement de plusieurs personnalités  militaires à la tête de différents postes de responsabilité, à commencer par la  très lucrative société pétrolière nationale algérienne Sonatrach, dirigée depuis  début avril 2017 par l’ancien lieutenant Abdelmoumen Ould Kaddour.

Même le  très puissant service de renseignement du Département de renseignement et  de sécurité (DRS), qui de longues années durant avait servi de contrepoids à  l’ANP, a fini par être, en 2015, démantelé, sous prétexte de “réorganisation”.  De fait, l’armée n’a jamais eu un contrôle aussi incontesté du pays, même du  temps de l’ancien président Houari Boumédiène, pourtant lui-même militaire de  carrière. On comprend bien alors que les Algériens ne se soient pas vraiment  pressés aux urnes. À quoi bon, en effet, donner du crédit à une démocratie de  façade?

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