Le gouvernement a «fait montre d’une attitude plutôt positive», ne tournant pas le dos aux événements d’Al Hoceima.
Ils pèsent encore sur la vie politique nationale. Les événements d’Al Hoceima se sont pourtant déroulés de la fin octobre 2016 à mai 2017. Mais ils ont connu bien des prolongements, notamment judiciaires, qui ont contribué à leur donner tant de crispation et de sensibilité depuis plus de deux ans. L’instrumentalisation qui en a été faite, pas toujours au seul service des condamnés et des détenus, n’a pas aidé à mieux comprendre tous les tenants et les aboutissants de ce dossier.
Voilà pourquoi il faut prendre acte du rapport présenté à Rabat, le 4 juillet 2019, au forum de la MAP, par le délégué interministériel aux droits de l’Homme, Ahmed Chaouki Benyoub, nommé à ce poste par le Roi, le 6 décembre 2018. Ce document d’une soixantaine de pages a donc un caractère officiel. A ce titrelà, il faut l’appréhender comme tel et le soumettre à l’évaluation.
L’AMDH, la première, a été prompte à réagir, par la voix de son président, Aziz Ghali, qui a exprimé sa position dès le lendemain en présentant à son tour son rapport annuel de quelque 250 pages pour l’année 2018 dressant le bilan sur la situation des droits humains. Ce document relève à cet égard que «la majorité des procès liés aux événements d’Al Hoceima et de Jerada ont démontré une fois de plus que les services de sécurité de l’État n’ont pas rompu avec les pratiques du passé». Dans cette même ligne, l’association considère que le rapport du délégué interministériel «a été rédigé selon une vision du ministère de l’Intérieur et non sous l’angle des droits de l’Homme».
Qu’en est-il au vrai? Pour Ahmed Chaouki Benyoub, le gouvernement a «fait montre d’une attitude plutôt positive», ne tournant pas le dos aux événements d’Al Hoceima. Et de rappeler le discours royal d’Ajdir en 2003, l’approbation des recommandations de l’IER ou le programme Al Hoceima, ville-phare de la Méditerranée ainsi que le discours du Trône de 2018.
Cela dit, son rapport s’articule autour de plusieurs axes reprenant l’historique des événements, leur traitement judiciaire et les efforts des autorités et des institutions constitutionnelles. Un travail d’enquête et de lecture de tous les documents pertinents et des sources d’information a complété cet effort avec le visionnage et l’analyse de plus de 200 vidéos relatives aux multiples manifestations, marches et discours qui ont marqué ce que l’on a appelé le Hirak du Rif. Il a été enfin élargi à l’exploitation des activités déployées en Europe et ce en soutien au Hirak.
Il vaut de noter ici que le rapport se garde de toute qualification pouvant considérer les activités du Hirak du Rif comme des «séparatistes»; bien au contraire, il insiste sur «leur patriotisme et leur amour pour la nation ». Le délégué interministériel a tenu ainsi à préciser «qu’aucune balle n’a été utilisée»; le seul cas de violence a été l’arrestation de Nasser Zafzafi, le leader du Hirak du Rif, à l’occasion de sa violation flagrante du caractère sacré de la mosquée et de la perturbation du culte.
Déjà objet à des controverses, ce rapport a été diversement accueilli par des associations et sur les réseaux sociaux qui lui reprochent, entre autres, une lecture et une interprétation «révisionnistes» des événements d’Al Hoceima. Pouvait- il être d’une autre veine alors qu’il émane d’un organe de l’État et qu’il participe d’une politique publique dans le domaine des droits de l’Homme? Il est, en effet, bien décalé par rapport au rapport du CNDH de 2017 sur cette même question...