Faire son "job"

Mustapha Sehimi

Les citoyens, et particulièrement ceux du Rif, identifient bien où sont les carences et les retards.

L’actuel gouvernement s’en souviendra longtemps. Les oreilles de la trentaine de ses membres ont dû siffler, dimanche 25 juin 2017, lors du Conseil des ministres tenu à Casablanca. S.M. Mohammed VI a en effet tenu, à cette occasion, dès le début des travaux, à exprimer sa “déception”, son “mécontentement” et sa “préoccupation” à propos de l’état d’avancement –si l’on ose dire…- du programme dédié à Al Hoceima et à sa région. Des conventions d’une enveloppe globale de près de 7 milliards de dirhams avaient été signées, en octobre 2015, en sa présence par des ministres et elles se plaçaient sous le signe Al Hoceima Manarat Al Moutawassit.

Ce fait royal est tout à fait inédit. Il l’est parce que le sentiment royal appréhende tout un cabinet, qu’il s’est traduit par une sorte de consignation des ministres concernés privés de congé; et qu’il a été rendu public. Les citoyens, et particulièrement ceux du Rif, identifient bien ainsi où sont les carences et les retards; ils mesurent tous aussi que le travail n’a pas été fait. Or, chacun doit assumer ses responsabilités. Le Souverain prend les siennes en prenant à témoin l’ensemble du peuple marocain. Il fait le “job” –son “job”-; aux autres intervenants publics de remplir leur cahier de charges.

Cette procédure de recadrage,ou plutôt de blâme, a déjà été actionnée en de maintes occasions. Sans remonter bien loin, le Roi n’a pas manqué d’exprimer son mécontentement, sinon sa colère, à l’endroit des uns et des autres: Mohamed Hassad et Moulay Hafid Elalamy, en mars 2015, en annulant le lancement d’un programme national destiné à la réhabilitation des marchands ambulants; trois mois plus tard en faisant trembler le corps consulaire; en limogeant le wali d’Al Hoceima à propos d’un projet touristique d’un MRE; en février 2016 sur l’évolution urbanistique de Casablanca; puis le retard dans les travaux de rénovation de la Médina de Fès. Il avait même centré son discours devant le Parlement, le 11 octobre 2013, sur l’état des infrastructures dans la métropole économique, imputant cela au “déficit de gouvernance” des organes communaux.

Qu’en dire en dernière instance? Que le système de suivi et d’accompagnement des politiques publiques est défaillant; que les effets d’annonce ne sont plus recevables ni acceptables; et que le Roi, seul, a l’autorité pour faire bouger les lignes et instiller une culture de résultats. C’est à son seul niveau que les attentes et les demandes sociales des citoyens peuvent être prises en compte. Ailleurs, c’est plutôt l’état de jachère...

Pareille situation ne saurait perdurer. Elle emporte et génère des dysfonctionnements dans les politiques publiques. Impréparation des dossiers, insuffisances quant à la faisabilité des projets, retards dans les plannings de réalisation: voilà le solde d’un tel compte d’exploitation. La gouvernance de l’action gouvernementale se pose; elle commande des termes de référence autres, des procédures et des mécanismes, bien sûr, mais aussi un audit continu.

Mais il y a plus. N’est-ce pas en effet la crédibilité de l’action du gouvernement qui se trouve en cause ? Annoncer, signer des conventions et, partant, entretenir, à terme, l’espoir des citoyens, dans les conditions actuelles, c’est nourrir l’illusion déçue à terme; c’est aussi rendre inaudible le programme gouvernemental et raviver l’insatisfaction, voire la colère. Ce qui s’est passé à Al Hoceima est un cas d’école de mal-gouvernance dont il faut tirer toutes les leçons: Un devoir d'action et une obligation de résultats

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