LE FAUX-FUYANT ALGÉRIEN

Abdellatif Mansour

L’INITIATIVE MAROCAINE EMBARRASSE L’ALGÉRIE


Pourquoi le Maroc tient-il tant à engager un dialogue avec un récepteur subitement devenu sourd muet ?

Regret pour le temps qui passe; espérance pour le temps qui reste. Voilà les deux pôles du communiqué des Affaires étrangères, rendu public le lundi 26 novembre 2018. L’ambassadeur d’Algérie à Rabat a, au préalable, été appelé pour plus ample information concernant son pays. Ce n’est pas une convocation; autrement, cette rencontre prendrait une tournure diplomatique dont le Maroc ne veut pas. La diplomatie étant pointilleuse sur les mots, cette entrevue est qualifiée «d’entretien» qui a donné lieu à un communiqué d’explication.

Pendant une dizaine de jours, tous les moyens de communication ont été explorés, y compris les circuits informels pour «établir un contact avec les autorités algériennes au niveau ministériel, en vain». En général, lorsqu’on refuse le contact, c’est qu’on a des choses à cacher; au point de ne pas oser piper mot ou d’apparaître au grand jour. Dans ce cas d’espèce, le mutisme peut être bavard et largement interprétable. Si Alger ne répond pas, c’est qu’il n’y a plus de pouvoir central dans le pays, encore moins d’autorité sectorielle à même de réagir par elle-même. En somme, aucun attribut minimal d’existence n’est plus permis. Un cas de vacance d’État.

Une question tombe sous le sens, pourquoi le Maroc tient-il tant à engager un dialogue avec un récepteur subitement devenu sourd muet, émanation d’une instance vacante? L’objectif est tout simple. Il s’agit de connaître «la réaction officielle des autorités algériennes à l’initiative d’établir un mécanisme politique de dialogue et de concertation.» Un voeu parfaitement réalisable exprimé par S.M. le Roi lors de son discours de la commémoration de la Marche verte, le 6 novembre 2018. Pour rassurer nos voisins de l’Est, il est dit dans le même discours que les modalités de fonctionnement de ce mécanisme se feront de commun accord.

Tous les différends entre les deux pays sont mis sur la table. Vraisemblablement, ce sont ces garanties qui ont inquiété, au plus haut point, la partie algérienne. Il faut bien se résoudre à l’idée qu’Alger ne veut pas entendre parler d’une normalisation en bonne et due forme. Créer un cadre de dialogue bilatéral, «direct» et «sans exclusive »; comme cela se passe dans nombre de situations analogues de par le monde; ce n’est pas au programme à Alger. À l’évidence, nos voisins ont d’autres priorités. En premier, ils doivent se trouver un gouvernement qui dispose de suffisamment d’autonomie et de crédibilité pour gouverner.

De même qu’il est urgent de se doter d’un président en possession de ses moyens physiques et cérébraux pour présider. Sans cela, comme c’est actuellement le cas, nul besoin de chercher un interlocuteur digne de ce nom. Surtout par les temps qui ne courent plus, avec un Bouteflika figé dans sa maladie immobilisatrice et pour qui on a rempilé pour un cinquième mandat. Les élections sont proches. Gaïd Salah et sa junte militaire sont aux aguets. Face à cette réalité politique déplorable, et à la rationalité pragmatique de l’offre marocaine, l’Algérie a cru trouver une sortie par le Maghreb. Elle a appelé à une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UMA. L’instance maghrébine qu’Alger a méthodiquement sabordée depuis sa création en 1989 à Marrakech, est ainsi appelée à la rescousse. La mauvaise foi est patente.

Le Maroc a malgré tout choisi de faire contre mauvaise fortune bon coeur; sans être naïf. Le communiqué des Affaires étrangères précise que le Royaume ne voit pas d’inconvénient à propos du projet de réunion ministérielle placardé par Alger. À cette grosse nuance près que la demande algéro-tunisienne ne peut en aucun cas être mise en concurrence avec l’initiative royale d’un dispositif de dialogue bilatéral, entre les deux pays directement concernés par le conflit factice autour du Sahara marocain. Autrement dit, cette 35ème réunion des ministres des Affaires étrangères maghrébins ressemblera aux 34 rencontres précédentes. En clair, un échec pratiquement programmé.

Le faux-fuyant algérien, non seulement ne trompe personne, mais il est inopérant dans l’atmosphère malsaine qui règne sur le Maghreb et à laquelle l’Algérie a beaucoup contribué. On en est là, dans cette impasse absurde qui court sur deux générations

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