Agression de trois touristes allemands dans la médina de Fès
Sécurité. Multiplication des agressions contre des visiteurs étranger à Fès. Au moment où le secteur marque le pas, la nécessité de la consolidation d’un climat de confiance et de quiétude doit être le crédo central.
Scène de crime, comme disent les enquêteurs. Vendredi 30 octobre 2015, médina de Fès, deux couples allemands en fin d’aprèsmidi déambulent tranquillement. Et puis, c’est le cauchemar: l’agression. Trois jeunes leur portent des coups de couteau. Ensanglantés, ils crient. C’est le drame. Des jeunes leur portent assistance. Les secours et les policiers n’arrivent que 45 minutes après. Les victimes sont transportées au CHU Hassan II de la capitale spirituelle du Royaume. Leur diagnostic vital n’est pas engagé –lésions au visage, au cou, à l’abdomen et au genou. Mais le drame est là: son impact est énorme au Maroc et à l’étranger. C’est cela, le condensé de cette nouvelle agression dont sont victimes des touristes.
Que faire? Et pourquoi une telle situation que l’on n’arrive pas à maîtriser ni à en juguler les conséquences? Assurément, se pose un problème de sécurité à Fès, bien sûr, mais aussi dans l’ensemble des villes du Royaume. Fès et sa médina : voilà un premier angle à retenir. C’est, en effet, la sixième agression de ce type, certaines soldées d’ailleurs par des morts –un Français en 2005 et un Allemand en 2008. Puis, ces derniers mois, le cas d’un intégriste, les autres méfaits étant officiellement imputés à des “fous”... Une explication jugée un peu courte.
La criminalité à Fès présente-t-elle des traits particuliers? Oui, sans doute. La prolifération de quartiers périphériques, l’exode rural qui la nourrit, le chômage et le désoeuvrement sont généralement mis en avant. Et de nombreux secteurs sont identifiés comme des “zones grises”, pratiquement de non-droit, où l’appareil d’État et ses services peinent à affirmer leur autorité. Les habitants de cette ville citent volontiers un long chapelet de points noirs où prévaut l’insécurité –Jnanate, Bab Ftouh, Sidi Boujida, Douar Texas, Aouinate El Hejjaj, Aïn Nokbi... Elle ne se limite pas à ces “territoires” et déborde, à l’occasion, sur d’autres quartiers de la ville, même les mieux lotis et considérés comme résidentiels. Un cas de figure pratiquement généralisé dans toutes les métropoles du Royaume, Casablanca en tête.
Une pathologie sociale
Ce phénomène n’est pas propre au Maroc, il se pose dans le monde entier, suivant des modalités propres au contenu et à la dimension d’une telle criminalité. C’est dire qu’il n’y pas une médication de nature à éradiquer ce mal qui est une pathologie sociale. Mais force est de dire que les autorités paraissent s’y atteler, cette fois-ci, avec détermination. La nomination, le 15 mai 2015, de Abdellatif Hammouchi à la tête de la DGSN participe bien de cette politique. Dès les premières semaines, s’affirme une nouvelle approche de la communication. Six semaines plus tard, la DGSN précise, dans un communiqué, que, du 25 mai au 30 juin, «44.223 personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes et délits ont été interpellées, dont 26.890 en flagrant délit et 13.698 recherchées».
Durant cette même période, pas moins de 250.000 infractions routières ont été sanctionnées. Début août, cette direction annonce que pour la seule journée du premier dimanche de ce même mois, 1.294 individus impliqués dans des actes criminels ont été arrêtés. Puis ont suivi d’autres actes, dont le braquage de Tanger avec fusillade et utilisation d’un fusil mitrailleur. La neutralisation des malfrats a conduit à la découverte d’un véritable arsenal. Qu’en déduire? Que le marché de la criminalité est important et que, jusqu’à présent, tout n’avait pas été fait pour le pénétrer et y faire prévaloir la garantie de la sécurité des citoyens et des biens.
La remobilisation s’impose
Par-delà les chiffres qui attestent d’une amélioration sensible des performances de la police, d’autres interrogations s’articulent des politiques publiques en matières de sécurité et de lutte contre la délinquance. Pas celle ayant trait aux exigences de la mobilisation antiterroriste mais à celles portant sur la criminalité, même si, par bien des aspects, des connexions existent entre elles. Mais il y a plus. Référence est faite ici au coût économique de ce sentiment d’insécurité, exacerbé au passage par les agressions de touristes étrangers. Au moment où le secteur du tourisme marque le pas du fait d’une sensibilité particulière et d’une exposition tout aussi prégnante à tout ce qui touche la sécurité dans les pays d’accueil, la nécessité de la consolidation d’un climat de confiance et de quiétude doit être le crédo central.
L’attractivité d’une destination comme le Maroc ne peut pas tenir seulement à la mise en exergue de sa stabilité dans un espace régional bouleversé; elle pèse également de tout son poids sur le climat d’affaires et d’investissement. Les postures et les annoncée ne suffisant point; c’est une remobilisation qui s’impose pour asseoir durablement la sécurité.