Mustapha Sehimi
L’ancien Premier ministre français, François Fillon, a triomphé lors des primaires des 20 et 27 novembre 2016, organisées pour désigner le candidat du parti des Républicains à la prochaine élection présidentielle prévue dans cinq mois. Il a gagné face à Nicols Sarkozy –éliminé dès le premier tour– puis Alain Juppé, ancien Premier ministre lui aussi, par 66,5% des voix de 4,3 millions de votants au deuxième tour. Si ce scrutin est donc plié et que ce nouvel élu est déjà bien placé pour le grand rendez- vous de mai 2017, il reste que, pour le Maroc, des éléments d’interrogation ne sont pas à évacuer.
Parlons clair: François Fillon a-t-il déjà une empathie pour le Maroc? Comme responsable, il n’est venu qu’une fois dans le Royaume en qualité de Premier ministre, les 17 et 18 avril 2008, dans le cadre de la réunion de la Haute commission mixte. A titre privé, personne ne peut faire état, jusqu’à plus ample informé, de voyages touristiques dans nos contrées. Alors? Son profil tranche donc quelque peu avec tant d’autres officiels qui, à un titre ou à un autre, ont des liens avec le Maroc, tels Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin, Martine Aubry, Jack Lang, Elisabeth Guigou… L’ancien président Sarkozy n’était pas non plus un familier du Maroc avant son accession à l’Elysée. Mais une fois élu, il a veillé à consolider la coopération bilatérale et à apporter son soutien actif au projet de société et à la cause nationale du Sahara. Ce faisant, il s’est situé dans la grande ligne de la position traditionnelle de Paris. Avec François Hollande qui lui a succédé en mai 2012, les inquiétudes et les préventions que l’on pourrait avoir avec le Premier secrétaire du Parti socialiste qu’il a été (1997-2008) ont été rapidement levées. La coopération entre les deux pays se porte bien et la brouille de l’année 2014 a été surmontée.
Qu’attend-on de François Fillon s’il est élu président? Au plan bilatéral, bien entendu la continuité et la consolidation des acquis ainsi que de nouvelles pistes de nature à renforcer le tissu des rapports entre Paris et Rabat. Le test significatif en sera la position de son pays, en particulier au sein des Nations Unies et du Conseil de sécurité, lors des débats relatifs au Sahara marocain. Ce qui nous importera en dernière instance, c’est de savoir s’il apportera toujours son soutien au plan marocain d’autonomie interne, déposé devant le Conseil de sécurité, le 11 avril 2007, et qualifié depuis de “sérieux, crédible et réaliste”. On aurait pu, si le travail diplomatique avait été fait d’une manière conséquente, en savoir un peu plus d’ailleurs à cet égard, soit dans un cadre parlementaire soit à l’occasion d’autres rendez-vous.
Il faut dire que M. Fillon paraît plutôt relever d’un profil bien particulier. Gaulliste social, souverainiste dont le mentor était Philippe Seguin, assumant les valeurs de la droite et celles de sa mouvance catholique, il paraît avoir pour univers culturel et idéologique surtout l’Hexagone et l’Europe. Il veut redonner confiance aux Français et partant oeuvrer pour que son pays retrouve un rang, une visibilité et une crédibilité et ce par l’éthique, le parler-vrai, la réforme et l’effort. Autant de crédos pris avec considération par Rabat parce qu’ils recoupent largement les axes qui sont les nôtres.
Pour autant, il va diriger un parti comme les Républicains –avec son histoire et son héritage– et il ne pourra pas mésestimer les intérêts supérieurs de l’Etat dont il aura la charge demain à l’Elysée, si les suffrages en décident ainsi. Par la même, il n’aura pas de tropisme particulier pour tel ou tel pays de la région –l’Algérie en particulier, où ils veillera à pratiquer une politique décomplexée, sans repentance historique. Enfin, d’autres sujets peuvent retenir un double intérêt franco-marocain convergent: celui d’un Islam de France modéré, tolérant et intégré aux lois de la république; et celui du statut des immigrés –dont notre importante communauté nationale– et de la défense de leurs droits et de leur dignité, loin des thèmes de stigmatisation de l’extrême- droite