Un grand commis de l'État qui assure et rassure

Saïd Ahmidouche

SAÏD AHMIDOUCH, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CNSS


De toute l’histoire de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), un manager a su gommer le passé peu glorieux de cette institution pour en construire un présent et un futur reluisants. Lui, c’est Saïd Ahmidouch. Entre juillet 2005, date de sa nomination, et fin 2018, la face de la CNSS a changé.

La métamorphose d’une chenille en papillon est sans doute une des plus grandes merveilles de la nature. Et la métamorphose de la CNSS durant les 13 dernières années, est, sans nul doute, l’une des grandes réalisations du nouveau règne. Depuis 2005, date de la nomination de Saïd Ahmidouch à la tête de cette institution, la Caisse a connu une évolution positive certaine, que personne ne peut nier. D’une caisse défaillante et déficitaire, avec un budget troué, une piètre prestation limitée, un passif lourd, il l’a transformée en une caisse excédentaire couvrant toutes les prestations de retraite, d’assurance maladie et même de ce qui s’apparente à l’assurance chômage dans les pays développés, l’indemnité pour perte d’emploi. Qui aurait cru qu’un jour viendra où la CNSS proposera de l’indemnité pour perte d’emploi? Il y a 13 ans de cela, les pouvoirs publics se demandaient à quel organisme confier l’Assurance maladie obligatoire (AMO) pour mener ce grand projet à terme. La réponse est venue avec la nomination par le Roi Mohammed VI de Saïd Ahmidouch, pas totalement inconnu au bataillon puisqu’il était considéré, à l’unanimité, par la communauté des financiers et experts, comme un grand spécialiste des assurances.

Un projet mené à terme
De l’avis de nombreux observateurs, l’expérience d’Ahmidouch, âgé de 59 ans, dans le secteur des assurances était un atout qui allait lui permettre de parachever le processus de mise en place de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et son implémentation. Son CV est éloquent. Natif de Nador, cet ingénieur de formation (Ecole des Mines de Paris) a passé de nombreuses années dans le secteur des assurances: directeur de la CNIA pendant 5 ans, directeur de production à l’Alliance africaine d’assurance, DGA de la Compagnie africaine d’assurance (filiale du groupe ONA) et vice-président de la FMSAR (Fédération marocaine des sociétés d’assurances et de réassurances). Il était aussi président de la commission Administration et Organisation à la direction des Assurances et de la Prévoyance sociale au ministère des Finances. Le milieu des affaires présentait ce Rifain comme un homme intègre et travailleur infatigable faisant partie de cette génération de cadres ayant une vision moderne de la gestion des affaires.

Un manger attentif
Nul doute que ses qualités de technicien en ont fait un candidat idéal. Mais ce sont aussi et surtout ses qualités humaines intrinsèques et managerielles qui ont aidé à la transformation de la CNSS. Pour ses proches collaborateurs, il anime, écoute, organise, communique, prend des décisions, délègue, priorise, gère ses émotions, contrôle, motive…

Il est aussi attentif à chaque membre de son staff, nourrissant l’esprit d’équipe et l’envie de les voir réussir; il crée des opportunités de croissance, donne des explications et fixe des objectifs à moyen et long termes mais aussi intermédiaires, fait des feedbacks réguliers avec l’équipe dirigeante et en fait une culture d’entreprise à tous les niveaux, fournit une aide précieuse en étant un facilitateur en cas de blocage dans la conduite d’un projet, tout en sachant être reconnaissant quand le travail est bien fait. Bref, il incarne toutes les qualités d’un manager, un manager motivateur et motivé. Quand il s’agit de parler d’assurance maladie, de retraite ou d’indemnité pour perte d’emploi pendant plusieurs heures sans se lasser, seul lui en détient le secret, le talent, le tact, l’aplomb et surtout la passion qu’il sait transmettre à son interlocuteur. Quand le sujet est technique, inintelligible et inaccessible, lui, il le rend à la portée de tous, en évoquant l’histoire de l’institution et son évolution, le changement des mentalités et le mode de gouvernance du pays. Entre juillet 2005 et fin 2018, la face de la CNSS a changé. C’est dire qu’il y aura toujours un avant et un après Saïd Ahmidouch. Les réalisations, concrètes, peuvent en parler et en apporter la preuve tangible, sans fard. Le premier jour où il a mis les pieds à la CNSS, il a travaillé à redonner d’abord confiance aux équipes, aux autorités et aux citoyens que la CNSS a de l’avenir. Ce premier pari, difficile, il l’a gagné, notamment en garantissant le succès de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) des salariés du secteur privé.

Les réalisations, depuis, se succèdent. Le taux de croissance en termes de masse salariale et du nombre de salariés déclarés a connu une augmentation annuelle entre 6 et 7%. Aujourd’hui, le nombre des salariés déclarés dépasse les 3,3 millions, soit un taux de couverture de 84% des salariés du privé alors qu’il ne dépassait pas 50% en 2005. Aujourd’hui, la Caisse reçoit annuellement 27 milliards de dirhams de cotisations patronales et salariales.

C’est l’une des rares caisses au Maroc et dans le monde, à assurer tous les métiers liés à la sécurité sociale: assurance maladie, perte d’emploi, retraites, indemnités journalières de maladie, enregistrement et inscription des entreprises, recouvrement des cotisations, et la coercition, dans le cadre du contrôle... Dans d’autres pays, notamment en France, ces activités sont compartimentées sous forme d’organisations spécialisées.

Traitement accéléré
Et comme le délai de l’assurance maladie est l’indicateur phare du succès de tout organisme de sécurité sociale, Saïd Ahmidouch en a fait un cheval de bataille. Aujourd’hui, la CNSS a évolué dans la gamme et le panier des prestations. Elle a commencé par les maladies chroniques et l’hospitalisation. La Caisse peut se targuer de couvrir aujourd’hui la quasi-totalité des prestations, y compris le dentaire, venu parachever l’offre. Naturellement, la conséquence a été que le flux des dossiers d’assurance maladie a augmenté de façon exponentielle. Si l’on comptait en 2007, 2.000 dossiers par jour, aujourd’hui, ce chiffre est passé à 17.000 dossiers au quotidien. A fin 2017, la Caisse a traité 3,5 millions de dossiers. Et il est prévu qu’elle en traite 4 millions à la fin de l’année 2018.

En dépit de ce flux effréné, le délai de traitement moyen des dossiers est passé de 35 jours à 5 jours actuellement. Certains dossiers peuvent prendre plus de temps tenant compte du contrôle médical à titre d’exemple. Somme toute, c’est une prouesse à mettre à l’actif d’Ahmidouch et de ses équipes. «Nous avons l’un des meilleurs, sinon le meilleur, délai de traitement des dossiers maladie et nous allons continuer à capitaliser dessus», affirme-t-il, non sans fierté. Loin de s’arrêter en si bon chemin, il entame et parachève deux grands chantiers, dont l’un ne venait même pas à l’imagination des assurés, en l’occurrence l’indemnité pour perte d’emploi, connu sous l’acronyme «IPE».

Une année après son lancement, on compte déjà une dizaine de milliers de bénéficiaires par an. Ce sont là des chiffres de l’année 2017. Le bilan sera encore plus important à la fin de l’exercice 2018. Cette grande révolution dans la sécurité sociale au Maroc ne substitue cependant pas à l’assurance chômage qui, elle, s’étaye sur le principe de la solidarité. Car pour le directeur général de la CNSS, la période d’indemnisation doit inciter à un retour à l’emploi, avec des mécanismes d’accompagnement et de formation professionnelle visant à aider le chômeur à retrouver son emploi ou à se convertir vers un autre.

Une autre révolution, et non moins importante, en l’occurrence la retraite et assurance maladie pour les professions libérales et les non-salariés, est mise sur les rails. Mais avant de la détailler, Saïd Ahmidouch a laissé ses empreintes sur la mue technologique de la Caisse ou sa digitalisation.

Révolution digitale
Déjà en 2003, deux ans avant sa nomination, la CNSS a fait sa première mue en s’engageant dans le projet Damancom, qui s’appuie sur le principe de la télédéclaration et qui, dans l’esprit de ses initiateurs, était destiné aux grandes entreprises. Traditionnellement, les assureurs travaillent avec du papier (registres, bordereaux, dossiers…), une opération coûteuse et qui prend beaucoup de temps. L’idée derrière Damancom était de traiter ces mêmes informations en consommant moins de papier. L’outil mis en place en 2003 avait pour ambition les 1.000 grandes entreprises. Ahmidouch a généralisé l’outil à toutes les entreprises, toutes tailles confondues. Résultat: Damancom est utilisé par 165.000 entreprises sur les 200.000 existantes. Il a chapeauté le développement et la mise en place de la version 2 fin 2017, actuellement pleinement déployée, avec beaucoup plus de services que sa soeur aînée. Un véritable pont de communication entre les entreprises et la CNSS.

Protection sociale
Un peu plus de 82% des salariés enregistrés à la CNSS passent par Damancom. Après, en vue de la restitution des informations concernant les déclarations et le suivi des dossiers vers les salariés, la CNSS a développé l’application MACNSS, la première application téléchargée au Maroc avec 3 millions de téléchargements et 250.000 utilisations en moyenne par mois. C’est dire que l’intérêt que cette application et Damancom suscitent répond un à de réels besoins. Puis, pour compléter le package, la Caisse met en place Allodaman, un centre d’appel au service des assurés, qui reçoit 50.000 appels par mois. Avec un taux de croissance moyen des salariés déclarés de 7% annuellement, la CNSS couvre aujourd’hui plus de 3,3 millions d’actifs. Mais sans compter le potentiel que représentent les professions libérales et les non-salariés. Soit 6 millions de professionnels à inscrire au régime de la CNSS, dans un contexte marqué par l’allongement de la durée de vie et la baisse de la fécondité.

Après l’adoption des deux textes fondateurs de la protection sociale des indépendants par les deux chambres du Parlement, représentant le squelette législatif de cette grande réforme orchestrée par Saïd Ahmidouch, les premiers décrets d’application, notamment des professions organisées, sont en cours de finalisation. Un autre défi relevé qui s’ajoutera tel une médaille dans le palmarès de ce manager éclairé et une nouvelle réalisation majeure d’une caisse qui a opéré une transformation radicale.

Articles similaires