HADJ BOUTOUALA

WISSAM EL BOUZDAINI

Démission du secrétaire national du PADS


Vous connaissiez Ali Boutouala? Le Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste (PADS) non plus? Disons que le premier était, jusqu’à ce mercredi 12 septembre 2018, secrétaire national du deuxième, qui comme vous avez dû le deviner est un parti politique, ayant même pignon sur rue depuis, tenez-vous bien, mai 1983. Comment se fait-il alors que vous n’en ayez jamais entendu parlé? Et pourquoi donc le sieur Boutouala n’en est-il plus secrétaire national? Ces deux questions pourraient bien, contrairement aux apparences, avoir la même réponse, mais avant d’en venir à ce point, revenons-en d’abord à nos deux principaux protagonistes.

Le PADS, ou la Taliâ pour les arabophones (et aussi pour les intimes), est un des nombreux petits partis ayant fait scission de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), à ceci près que de tous ces partis, c’est lui qui jouit sans doute du pedigree le plus prestigieux: ses fondateurs ne sont autres que les avocats Abderrahmane Benameur, également fondateur et président de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), et surtout Ahmed Benjelloun, frère de l’ancien dirigeant socialiste Omar Benjelloun, lâchement assassiné par des activistes islamistes en décembre 1975, et qui nous a lui-même quittés en février 2015 des suites d’une longue maladie.

Ces deux personnalités font assurément partie des plus grands militants du Maroc contemporain, et M. Boutouala n’est lui-même pas en reste: il fut, au plus fort des années de plomb, membre de l’organisation marxiste-léniniste clandestine du 23-Mars, et fut logiquement élu secrétaire national du PADS en juin 2016 au bout d’un parcours politique exempt de tout reproche. Mais M. Boutouala a eu la malencontreuse idée d’effectuer en août dernier le pèlerinage rituel du hadj, ce qui visiblement, aux yeux des militants de son parti, est un impair impardonnable: l’argent qu’en recueillerait l’Arabie saoudite permettrait à cette dernière de financer ses opérations militaires notamment au Yémen, qui selon l’Organisation des Nations unies (ONU) connaît actuellement une des pires crises humanitaires au monde. Argument recevable, dans la mesure où selon des estimations datant de 2012, le hadj rapporte quelque 16 milliards de dollars par an.

Le gauchisme qui se dégageait du discours de beaucoup de militants du PADS laisse ceci dit deviner que la fronde menée contre M. Boutouala avait moins à voir avec la géopolitique qu’avec la religion elle-même, qui de leur point de vue semble faire mauvais ménage avec le discours socialiste car elle est, comme chacun le sait, «l’opium du peuple». Mais c’est oublier que l’appellation du parti fait d’abord référence à la démocratie, qui normalement devrait permettre à tout un chacun de vivre sa foi comme il l’entend. L’opium d’une certaine gauche semble sans commune mesure. C’est à ne pas se demander pourquoi ses partis et ses leaders sont ignorés par le public...

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