Côté cour, côté jardin
PARCOURS. M. Aourid s’est mué ces dernières années en observateur parmi les mieux avertis du phénomène politique et les plus écoutés.
Hassan Aourid n’a jamais vraiment semblé homme de son environnement. Malgré la grande partie de sa vie dans le secret des palais, il n’a jamais donné l’impression de se fondre dans cet univers bien particulier. Il y a d’abord l’intellectuel. La légende raconte que du temps où il fréquentait le Collège royal, accompagnant le prince héritier Sidi Mohammed de 1977 à 1981 dans la deuxième partie de sa scolarité, le natif de la ville d’Errachidia, fils d’instituteur, aurait entrepris d’apprendre L’Encyclopédie Bordas, forte d’une dizaine de volumes.
Anciennes casquettes
Un amour jamais démenti des livres qui lui fait publier L’Occident: est-ce le crépuscule?, essai consacré au déclin, avance M. Aourid, de la civilisation occidentale; Le Morisque, roman sur l’épopée des populations morisques d’ascendance musulmane d’Espagne expulsées en 1609 sur décision du roi Philippe III; et Sirat Himar, son ouvrage le plus récent, en langue arabe, inspiré des Métamorphoses de l’écrivain romain d’ethnie amazighe Apulée.
Il publie également en 2010 Fayrouz Al-Mouhit, un recueil de poésie. Au fil des ans ses activités de recherche à l’Université Mohammed-V de la capitale, Rabat, et le Centre Tarik Ibn Zyad pour les études et la recherche, dont il est président, ont pris le pas sur les fonctions politiques que par sa proximité avec le roi Mohammed VI il était destiné à occuper.
Mais il y a aussi l’Aourid frondeur. Celui qui servant dans la capitale des Etats-Unis, Washington, de 1992 et 1995, a maille à partir avec l’ambassadeur du Royaume de l’époque, Mohamed Benaïssa –étonnant pour un diplomate ayant forgé sa carrière au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération en tant que chargé d’études de 1988 à 1992.
Baroud d’honneur
Celui qui vilipende dans ses chroniques, notamment en février 2015 dans le mensuel Zamane, «l’allégeance» et le «clientélisme» présidant aux rapports entre instance du pouvoir et appareil administratif. Une analyse à laquelle les anciennes casquettes de l’homme, porte-parole du Palais de 1999 à 2005, wali de la région de Meknès-Tafilalet de 2005 et 2009 et historiographe du Royaume de 2009 à 2010, accordent on ne peut plus de profondeur. Sa connaissance du pouvoir ne se limite pas à l’étude livresque. M. Aourid s’est mué ces dernières années en observateur parmi les mieux avertis du phénomène politique. Mais également les plus écoutés.
Sa conférence à l’université d’été en 2012 à Rabat de l’organisation non gouvernementale (ONG) Cap Démocratie Maroc a fait date. M. Aourid avait fait la critique de l’Etat –qu’il a pourtant longtemps servi– notamment l’expérience du Parti authenticité et modernité (PAM) de son ancien camarade de classe, le conseiller du Souverain Fouad Ali El Himma, avec lequel on raconte qu’il est désormais en froid. L’intervention avait sonné cependant comme le baroud d’honneur d’un intellectuel confiné aujourd’hui à 52 ans –il les a soufflés en décembre 2014– à la marge et dont le nom est devenu synonyme de rendez-vous raté avec son destin de grand commis d’Etat. A tort ou à raison, lui seul le sait.