Il faut s’éloigner de l’utilisation politicienne de l’Islam en Europe

ENTRETIEN. Le 10 février 2015, un enfant marocain de 9 ans a été victime d’une arrestation musclée dans le métro de Malmö, en Suède. En réaction à cette violence, la députée parlementaire Nezha El Ouafi a envoyé une lettre au président de la délégation suédoise au Parlement européen. Explications. ENTRETIEN. Le 10 février 2015, un enfant marocain de 9 ans a été victime d’une arrestation musclée dans le métro de Malmö, en Suède. En réaction à cette violence, la députée parlementaire Nezha El Ouafi a envoyé une lettre au président de la délégation suédoise au Parlement européen. Explications.

Maroc Hebdo: Suite à l’arrestation brutale d’un enfant marocain de 9 ans dans le métro de Malmö, vous avez envoyé une lettre au président de la délégation nationale de Suède dans laquelle demandez à ce que justice soit rendue à cet enfant. Quelle forme pourrait prendre cette réparation?
Nezha El Ouafi:

C’est une lettre qui s’inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre de la coopération bilatérale entre nous et nos confrères parlementaires d’Europe. Elle trouve également sa justification dans l’obligation de ces derniers de respecter leurs engagements vis à vis des conventions internationales pour la protection des mineurs ainsi que celles relatives à la lutte contre toute forme de discrimination raciale. En tant que partenaires de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, nous sommes concernés par ces dispositions. Pour précision, il ne s’agit pas d’une lettre de contrôle. Notre devoir parlementaire de contrôle, nous l’avons exercé en adressant une question écrite au ministre chargé des Marocains Résidant à l’Etranger et des Affaires de la Migration et au ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Nous les avons interrogés sur les dispositions prises par notre consulat en Suède, en vertu de l’article 16 de la Constitution.

Comment interprétez-vous le silence des autorités marocaines face à cet incident qui a touché et bafoué un citoyen marocain?
Nezha El Ouafi:
On ne peut pas parler de silence, puisque le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, a condamné cet acte, le 12 février 2015, en plein Conseil de gouvernement. Pour la première fois, l’agression d’un enfant à l’étranger a été évoquée en ouverture officielle de la deuxième institution de l’Etat. C’est un pas qui est très important et qui doit être conforté par l’élaboration de mécanismes concrets de protection des Marocains vivant à l’étranger. Ce suivi, nous allons justement l’assurer à travers nos moyens de contrôle. Dans ce sens, nous, Parti de la justice et du développement, avons invité le ministre des Affaires étrangères à assister à la commission des affaires étrangères.

Et l’opposition dans tout ça?
Nezha El Ouafi:

Normalement, c’est l’opposition qui doit se manifester dans ce genre d’affaire. Mais il paraît qu’elle est occupée avec d’autres problèmes qui ne concernent pas les citoyens. Elle n’a cure de contrôler le gouvernement dans des affaires vitales comme celles de la protection des droits des Marocains du monde.

Qu’en est-il du Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger (CCCME)?
Nezha El Ouafi:

Aujourd’hui, nous avons besoin que le Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger (CCME) constate la réalité des violations dont est victime la diaspora marocaine. Il faut qu’il étudie également les moyens d’y remédier dans le cadre de sa fonction en tant qu’instance consultative constitutionnelle et en vertu de l’article 2 du Dahir le constituant en 2007. Malheureusement, le CCME accorde plus d’intérêt à l’organisation de soirées et d’initiatives qui ne rentrent pas dans ses prérogatives.

Les Marocains de la diaspora vivent des moments difficiles suite aux attentas terroristes perpétrés au nom de l’Islam. Quel rôle devrait jouer le Maroc pour défendre ses citoyens vivant à l’étranger et quels sont les mécanismes par lesquels il peut leur assurer plus de dignité?
Nezha El Ouafi:

Effectivement, les Marocains du monde vivent un moment difficile. Leurs droits les plus élémentaires sont bafoués et leurs acquis sont menacés à cause de la crise économique. Des rapports internationaux confirment la recrudescence de l’islamophobie et du racisme.
L’Observatoire français contre l’islamophobie a enregistré 425 agressions suite aux attentas de Paris. Des agressions qui prennent la forme de menaces, de provocations, d’assassinats, d’attaques contre les mosquées et les associations musulmanes dans différents pays européens ou encore sous forme de déclarations comme celle émise, lundi 23 février 2015, par Roger Cukierman, président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), qui a mis tous les actes de violence sur le dos des jeunes musulmans en qualifiant l’islam de “fasciste”. Face à ces déclarations irresponsables qui menacent la sécurité des musulmans marocains, le silence des officiels est terrifiant.

A votre avis, quelle est l’attitude à adopter?
Nezha El Ouafi:
Je crois qu’il faut s’éloigner de l’utilisation politicienne de l’Islam dans les pays européens. Cela est susceptible de nourrir la haine ainsi que la thèse extrémiste basée sur la lutte des religions qui n’a rien à voir ni avec l’islam ni avec les musulmans. Aujourd’hui, nous avons besoin d’approcher l’islam comme une affaire interne, du point de vue de la citoyenneté et des droits et devoirs de chacun dans le cadre de la loi. Dans ce sens, l’article 16 de la constitution oblige l’État marocain à adopter des outils d’observation et de suivi des affaires des immigrés marocains, et ce, à travers la création de petites commissions d’éveil et de soutien juridique dans les pays où la sécurité des ressortissants marocains est menacée. Ce qui est encore plus dangereux, c’est la banalisation de cette insécurité et de cette menace.
Concrètement…
Nezha El Ouafi:

Je pense qu’il est temps de lancer une initiative internationale qui réunirait les ministres des Affaires étrangères des pays musulmans et ceux des pays européens pour débattre des moyens à mettre en oeuvre pour lutter contre l’islamophobie, le racisme, la violence et le terrorisme.
Le phénomène a dépassé les limites du débat académique et médiatique. Aujourd’hui, on a besoin d’un dialogue diplomatique officiel pour faire face au terrorisme et pour que triomphent les valeurs de la diversité culturelle et raciale. Je pense que le Maroc aura tous les honneurs à prendre l’initiative d’inviter les autres pays à un sommet islamique occidental.

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