l’honorable correspondant voulait sauver son poste ministériel
Abdellatif Mansour
Par les temps qui courent vers le plus possible de fauteuils ministériels, les partis politiques ne se quittent pas des yeux. Ils essayent de s’observer par delà les palissades et les vitres insonorisées qui protègent les sièges et les réunions inaccessibles. Quitte à s’espionner, carrément.
C’est précisément ce qui est arrivé lors d’une réunion de la direction du RNI où le parti de la colombe devait délibérer sur les contours d’une participation, quasi assurée, à la prochaine coalition gouvernementale; avec une priorité absolue pour le nombre et la qualité des portefeuilles souhaités ou franchement exigés.
Il se trouve qu’un membre de ce collège directorial supposé très fermé était en fait un agent double ou triple; un apprenti 007 sur le tas. Il transmettait, en direct, à partir de son téléphone portable, le déroulé des débats à une partie tierce.
Comme tout James Bond qui se respecte, et que l’on craint sans le connaître, l’identité de l’intrus doublonneur n’a pas été révélée. Elle relève du “secret d’État”, bien que le fait, lui-même, soit devenu un secret de polichinelle qui court les alcôves du pouvoir et les espaces huppés de la capitale. Quant au récepteur du précieux renseignement, il n’est pas difficile à deviner, même pour le plus profane des observateurs de cette drôle de chose politique. L’opération Wikileaks à la marocaine a fait plouf, dès lors qu’elle n’a étonné personne.
Il suffisait de regarder du côté du parti qui avait le plus besoin de ce genre d’information; autre que le PJD, évidemment. L’honorable correspondant en question voulait, paraît-il, sauver son poste ministériel, à tout prix; ce qui n’est pas bien du tout.
Des alliés qui s’espionnent, ça ne fait pas bon genre, de même que la pratique ne crédibilise pas la prochaine alliance gouvernementale; pas plus que les précédentes, d’ailleurs. En clair, c’est la confiance totale qui règne et que le public regarde, médusé, sans être pris à témoin par des acteurs qui s’agitent en ombres chinoises, dans un monde parallèle.
Et pourtant, vu notre indulgence magnanime, on aurait tendance à comprendre la partie réceptrice. Effectivement, Abdelilah Benkirane a toutes les difficultés du monde à former sa coalition. Et ce n’est pas faute de demandeurs pour en faire partie; bien au contraire, ils sont beaucoup plus nombreux qu’il n’en fallait. Un record absolu. C’est très simple, tous les partis représentés au parlement voudraient être à bord de ce navire qui accuse une surcharge flagrante.
Face à un PJD reconduit, l’ancienne opposition découvre, un peu contrainte et forcée, que rester à quai, alors que le train passe, n’est plus politiquement productif. Effectivement, le PAM fait exception; mais n’est pas PAM qui veut. Avec le RNI, le MP, le PI, l’UC, le PPS et le PJD, plus l’USFP qui traîne la patte sans avoir les moyens de se faire attendre, Benkirane aurait pratiquement fait le tour de l’échiquier politique représentatif, toujours en dehors du PAM.
Autrement dit, un patchwork difficilement présentable, plutôt qu’une coalition crédible et opérationnelle. Moralité, il n’y avait pas un réel besoin de s’espionner pour arriver à ce résultat. Et si l’espionnage était vraiment nécessaire, il aurait fallu l’orienter vers Driss Lachgar pour savoir s’il avait suffisamment de fièvre pour sécher la réunion avec Benkirane. Ainsi, le 007 de service n’aurait pas été grillé pour rien