COMPLOT. Révélations sur le scandale de corruption de la fifa qui a privé le Maroc de deux coupes du monde.
Blatter connaît le Maroc et le Maroc connaît Blatter. Le président suisse de la Fédération internationale de football association (FIFA) est au centre de l’actualité mondiale. Il surclasse les sujets les plus chauds. Ce n’est pas par rapport à une pratique sportive que la FIFA fait parler d’elle, mais dans les circuits de la police et les couloirs de la justice. Des membres du comité directeur de cette organisation sont soupçonnés, quasiment convaincus, de corruption. Deux individus en particulier, font nommément l’objet de poursuites notifiées: Jack Warner et Nicolas Léoz, tous deux siégeant au comité exécutif de la FIFA. Sentant l’étau se resserrer autour de lui, Sepp Blatter a pris les devants, après avoir plus ou moins assuré ses arrières.
Le vendredi 29 mai 2015, il s’est fait élire “démocratiquement”, comme d’habitude, avec des voix très intéressées de représentants de confédérations continentales, essentiellement africaines et latinoaméricaines.
Le mardi 2 juin, Sepp Blatter annonce sa démission d’un poste qu’il occupe depuis 17 ans. La nouvelle a fait sensation. Dans le monde du foot, aux quatre coins de la planète, les débats et les réparties font rage. Le foot, sport-roi, est profondément malade. Pour le coup, ce n’est plus de football qu’il s’agit, mais d’une valse de sommes colossales qui voyagent à travers les banques et les continents. Le sport business dans toute sa splendeur affligeante. On découvre ce que l’on devinait déjà, à savoir une organisation qui compte plus d’adhérents que l’ONU et qui brasse des montagnes de dollars sans aucun contrôle institué et crédible. Le foot s’est mondialisé, le commerce de support et d’accompagnement, aussi. Entre Sepp Blatter et Ban Ki-moon, le choix est tout fait. Une FIFA qui rapporte gros, plutôt qu’une ONU parlante et impotente. Chez nous, aussi, on fait semblant de tomber des nues.
Des montagnes de dollars
Et pourtant, s’il y a un pays araboafricain et client régulier de la FIFA, c’est bien le Maroc. Avec nos quatre candidatures à l’organisation de la coupe du monde, 1994, 1998, 2006 et 2010; sans compter notre retrait en 2002, nous détenons un record dans notre catégorie. Si M. Blatter dit n’avoir jamais soupçonné ses collaborateurs les plus proches de toucher des pots-de-vin très consistants; un peu comme les cocus qui sont les derniers à savoir; pouvons-nous, nous aussi, jouer sur les mêmes cordes incrédules? Une telle attitude serait peu crédible, sinon ridicule. Le dernier des dirigeants d’un club de foot amateur de énième division de la périphérie de Boujniba, sait, de science certaine, que pour l’organisation d’une coupe du monde, il faut cracher au bassinet. Depuis que ce vrai-faux scandale de la FIFA a éclaté, les langues se délient pour avouer à demi-mots que nous n’avons pas échappé au système Blatter. Car, c’était ou cela; ou continuer à faire de beaux rêves.
Cracher au bassinet
Nous aurions, révèle-t-on, à retardement, bel et bien succombé aux pratiques en vigueur. De hauts responsables des structures centrales de la FIFA auraient fait le voyage au Maroc pour négocier leur appui à la candidature marocaine. À chaque fois notre offre n’a pas fait le poids. L’illustration la plus éloquente est celle de 2010. Nous étions, une fois de plus, dans la course et en bonne place. Plus qu’auparavant, notre dossier, avec une multitude d’atouts à l’appui, était plus solide que celui de l’Afrique du Sud.
Seulement voilà, plus nos chances étaient réelles, plus le petit million de dollars proposé aux intermédiaires attitrés, faisait pâle figure face aux dix millions de dollars mis sur la table par l’Afrique du Sud, avec une généreuse contribution algérienne. Évidemment qu’il y a eu le facteur Mandella qui a subitement surgi devant les caméras du monde pour mettre tout son poids dans la balance. Comme quoi, le foot se marie tout aussi bien à la politique et à la symbolique historique. La facette corruption de cette affaire fait d’ailleurs partie des dossiers instruits par la justice américaine. Pour l’édition 2006, nos chances face à l’Allemagne, quoi qu’on pense, n’étaient pas négligeables. C’est S.M. Hassan II qui avait chargé, quelques semaines avant sa mort, en juillet 1999, Driss Benhima et Ali Fassi Fihri de superviser cette candidature. Les membres de ce comité jurent tous leurs dieux qu’il n’y a eu aucun soudoyage de membres influents de la FIFA. Il n’empêche que, dans ce cas, comme auparavant pour la candidature de 1994, l’ombre du sulfureux Jack Warner plane constamment. Il apparaît comme le monsieur pot-de-vin de la FIFA.
Une ambition légitime
En définitive, dans toutes ces pérégrinations éperdues pour organiser la Coupe du Monde, le Maroc apparaît comme le dindon de la farce; celui qu’on arnaque à chaque épisode, mais qui n’en a cure. Il remet ça en mettant la main à la poche. Les subornés empochent et votent pour les autres.
Valeur aujourd’hui, le Maroc n’en démord pas. Il veut sa coupe du monde. Il est dans la course pour 2026. Des contacts préliminaires ont d’ores et déjà été pris. Un nouveau contexte du foot mondial est en perspective. Une remise en question de la méthode Blatter est annoncée. Y compris un éventuel retour sur l’attribution du mundial 2022 au Qatar. Ce serait un effet boomerang spectaculaire. Dans cette nouvelle configuration en marche quant à la gestion du football mondial, comment le Maroc fera-t-il valoir une ambition légitime qui confine à la fixation?