Korsa, long métrage de Abdellah Ferkous, en salles


Un cadavre dans le coffre


Korsa retrace le périple d’un chauffeur de corbillard chargé de transporter une dépouille de Marrakech à Tétouan. Sa femme enceinte l’y accompagne. Mais les choses prennent un tournant des plus loufoques.

Korsa (trajet) est un film comique marocain réalisé par Abdellah Ferkous. Si le rire y est court, l’idée, elle, se perd en façons. Mal défraîchie surtout, elle se hasarde à marier les contraires, le rire à la mort. Le père, pris de vieillesse, est riche comme mille. A son actif, un hôtel huppé et un bazar. Lâché par le coeur, il meurt net. La jubilation de ses deux rejetons saute aux yeux. Ils reluquent, avec leurs épouses, ce fric dormant. L’hypocrisie est de mise, car verser dans la pleurnicherie, est sauveur d’image.

L’image est, ici, le mot emprunté au métrage. Il fallut, des gueules de circonstances, des vibratos dans la voix, et le joli faux pour monter la mascarade. Le nanti, à peiné passé, est empaqueté d’un linceul et chargé dans un corbillard. La vitesse avait son mot à dire, pas le médecin légiste. Il fallut inhumer le vieux, s’attaquer à l’héritage. Le hic qui, d’ailleurs, fait le film, est que la dépouille du défunt devrait reposer plutôt qu’à Marrakech, à Tétouan. Telles sont les dernières volontés du nabab. Le chauffeur du corbillard, un dénommé El Maâti, est un déjanté sans suite. Pris dans l’étau de l’huissier, il doit payer ses traites sous peine d’une saisie du véhicule. Les dix mille dirhams viennent à sa rescousse. Il a à charge un cadavre et un long périple. Sa femme, Souad, alors enceinte, vient alourdir la donne. Elle colle son mari, l’intime de l’emmener voir du pays. El Maâti est suspendu à ses contractions, à telle enseigne que le défunt est relégué au rang de l’accessoire. De l’autre bord, les héritiers font le pied de grue à l’hôtel.

Mi-rire mi-lourdeur
Là où le tam-tam du cérémonial, les condoléances à foison n’ont d’égal que l’impatience cupide d’inhumer le père, de monnayer sa disparition. Souad, ne tient plus, elle hurle et emplit les parages de ses trépidations. Son heure est là, il faut qu’elle accouche. Nul hôpital dans le coin. Il fallut qu’une sage femme, dans un bled perdu s’en occupe.

Voilà deux nuits passées sans la dépouille du défunt. La famille s’en mord les doigts. El Maâti est aux petits soins, ne répond pas aux payeurs. Ils finissent par mettre en branle deux tocards chargés de le retrouver, le tabasser, de récupérer le cadavre. Et c’est un autre qu’ils ramenèrent. El Mâati est peinard, il s’oublie dans son tout-petit auquel il fallut un nom, puis un rajout au cahier de l’état-civil demeuré à Marrakech. Là, sont glosées les tares de l’administration marocaine à faciliter la besogne. Il en bave mais s’en tire.

D’une chose l’autre, il s’ensuit que le défunt n’est plus. Il revit. Mis au flair des manigances de sa progéniture, il s’en va debout vers elle. Si les fils avaient daigné observer les dernières volontés d’un père, c’est que le coffre de son bureau clamait son empreinte digitale. Vient la morale pour chapeauter ce tout mal bâti, mi-rire mi-lourdeur, pour ériger les parents en maîtres incontestés. Car dans le coffre, le revenant, n’avait qu’une photo de ses parents à lui. Bref, un film qu’on aurait aimé mieux fait.

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