La scission est consommée

GAUCHE. Dernière scission en date au sein de l’USFP qui a accouché d’un autre parti. Ambition affichée du nouveau-né, le rassemblement d’une gauche parcellisée. Tout un programme. GAUCHE. Dernière scission en date au sein de l’USFP qui a accouché d’un autre parti. Ambition affichée du nouveau-né, le rassemblement d’une gauche parcellisée. Tout un programme.

Après avoir été dans le pipe pendant plus de deux ans, la scission au sein de l’USFP a finalement eu lieu, le samedi 21 février 2015. Près de 400 membres du courant Démocratie et ouverture se sont retrouvés à Bouznika pour en faire l’annonce. Un comité restreint a été constitué. Il devra donner naissance, sous un délai de dix jours, à la grande commission préparatoire du congrès fondateur; lequel devrait se tenir au cours du mois de mai 2015, pour que la scission soit définitivement consommée. Un calendrier chargé et serré, appelé à fonctionner à une cadence forcée. Car tout ce dispositif, une fois bouclé et mis en place, doit être opérationnel pour prendre part à la bataille des élections communales et régionales prévues pour septembre 2015. L’échéancier est donc définitivement établi; même le futur numéro un se profile en filigrane, Abdelali Doumou, pour ne pas le nommer. Il reste juste l’essentiel, à savoir le projet politique de ce futur nouveau-né et son positionnement sur l’échiquier actuel, de préférence accompagné de quelques renvois à titre de références de principe. C’est ce qui manque le plus et, curieusement, ce qui compte le moins.
Même si le communiqué de presse en a donné quelques indications qui sont censées fournir les causes justifiant cette scission.
Ce sont les reproches au parti que l’on quitte qui sont à l’honneur. Le réquisitoire est sans appel. En déviant de la ligne de conduite qui a toujours marqué et façonné son parcours, l’USFP aurait renié son histoire, tout autant qu’il a perdu son autonomie de jugement et sa liberté de décision; bref, son indépendance. C’est évidemment Driss Lachgar, le supposé mal élu du congrès de décembre 2012, qui est nommément tenu pour responsable de ce dévoiement sans nom. Il n’aurait laissé de choix à nombre de militants que de geler leurs activités au sein du parti ou de le quitter pour d’autres espaces partisans.

Dévoiement sans nom
Le programme dont Abdelali Doumou a donné un avant-goût, s’articule autour de quatre mots clés; un parti fort, démocratique, socialiste et moderniste. Le nom est donc tout trouvé, ce sera le Parti démocratique et socialiste (PDS). Sans vouloir tout ramener à un sigle magique, on remarquera que “les forces populaires”, chères à l’UNFP, puis à l’USFP, sont passées à la trappe. M. Doumou veut, par ailleurs, couper court avec les pratiques de la rente en économie et en politique; avec la banalisation de la corruption; ainsi qu’avec les plans de carrière d’un personnel politique qui a perdu toute crédibilité. Économiste de formation, il entend également combattre le libéralisme sauvage.
À parcourir cette énumération de bonnes intentions, en guise d’offre politique, on se demande où se situe la ligne de démarcation avec le discours de Driss Lachgar. C’est quasiment du même tonneau. Ce dernier signerait des deux mains la déclaration de Abdelali Doumou. Où est donc le problème si ce n’est, selon toute vraisemblance, un conflit de carrière, justement, entre un leader en place et un prétendant au leadership; chacun disposant d’une clientèle légitimement intéressée? C’est sûrement l’impression que doit avoir une bonne part de cette fameuse base militante qui assiste, plutôt médusée et dubitative, à cette autre guerre des chefs et à une dernière scission en date.
La paternité posthume de cette séparation dans la douleur a été attribuée au défunt Ahmed Zaïdi, chef de file du courant Démocratie et ouverture, décédé le 9 novembre 2014. Or, l’incompatibilité de personnes, dans le directoire du parti, ainsi que les tendances politiques et les obédiences idéologiques concurrentes et souvent contradictoires, ont constamment habité l’UNFP, puis l’USFP. C’est, apparemment, dans les germes de ces deux formations successives qui ont ainsi abrité des conservateurs fondamentalistes; des cartésiens rationalistes; des tenants du matérialisme scientifique; des démocrates progressistes; des blanquistes jusqu’auboutistes et des panarabistes baâtistes porteurs d’un esprit prononcé de laïcité. La cohabitation entre ces différentes écoles de pensée et de postures politiques n’a jamais été facile.

Paternité posthume
Elle n’a pas, non plus, été rendue possible ou résolue par la succession de scissions. Dès lors que chaque scission en a emporté une part dans ses cartons de déménagement ou de réaménagement. C’est la raison pour laquelle l’Histoire semble sans cesse bégayer depuis le premier schisme dans les rangs de l’Istiqlal, en 1959. À chaque crise politique nationale correspond une crise dans les partis historiques.
Aujourd’hui, le PDS, issu de l’USFP, voudrait rassembler et récolter les morceaux d’une gauche parcellisée, voire atomisée. On assisterait ainsi à la naissance du grand parti de gauche tant attendu, depuis des décennies. Il regrouperait sous l’enseigne d’une Koutla revisitée et recentrée. Sont invités à cette table unioniste le Congrès national ittihadi (CNI), le Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste (PADS) et le Parti socialiste unifié (PSU), bien que la secrétaire générale du PSU, Nabila Mounib, se soit maintes fois défendue d’un tel scénario.
Une ambition compréhensible, mais, pour le moins, difficilement réalisable. Auquel cas, le tandem USFP-PI n’aurait d’autre alternative qu’une alliance de conjoncture avec le duo PAM-UC. En somme, un projet de recomposition du champ politique national. Il reste juste à le transformer en blocs homogènes et opératoires. À moins que ça ne soit qu’une vue de l’esprit, parmi tant d’autres de la même veine, sans lendemain.

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