L'association Dar Si Ahmad reçoit le prix d'encouragement de l'ONU

Moissonner le brouillard


Abdellatif Mansour Abdellatif Mansour

Il y a bien des associations qui  font la pluie et le beau temps.  “Dar Si Ahmad Adderham  pour le développement, l’éducation  et la culture”, basée à  Sidi Ifni, est de cette catégorie. Elle  a mis en place la technique qui permet  de transformer le brouillard en  eau potable. À la condition suffisante  que le ciel soit brumeux, ce  qui est souvent le cas dans cette  région du Sud-Ouest, aux portes  du grand sud saharien; D’énormes  filets recueillent les gouttelettes  d’eau qui sont traitées et canalisées  avant d’arriver dans les robinets à  domicile.

Disposer d’eau courante chez soi  a carrément changé le mode de vie  des populations de cinq villages à  flanc de montagne et 1.225 m d’altitude.  Une véritable révolution,  même si celle-ci a mis du temps  pour aboutir à ce mince filet d’eau  par lequel tout se crée et tout régénère.  Avant ce service public que  le public s’est lui-même offert,  les jeunes et les femmes étaient  astreints à la corvée quotidienne du  puisage de l’eau, soit quatre heures  de marche par jour.

Une marque distinctive dont ils se  seraient bien passés. Mais aussi  un indicateur de plus qui renseigne  sur ce Maroc pluriel du 21ème siècle,  avec ses disparités régionales d’un  autre âge.

Il est vrai que l’association à l’origine  de cette initiative n’a pas  inventé ce système, né il y a une  vingtaine d’années dans les régions montagneuses du Chili. Son président,  Aissa Darham, est le premier  à le confirmer. Cette expérience est  non seulement perfectible, notamment  au niveau de la nature des  filets, mais également praticable  dans d’autres sites du pays au climat  similaire. L’association Dar Si  Ahmad a reçu le prix d’encouragement  de l’ONU; une récompense  prévue par l’accord-cadre autour  du changement climatique.

Entre deux guerres que ses  membres parmi les plus influents  ont provoquées et auxquelles elle  ne peut mettre fin, l’ONU s’enquiert  de la disponibilité de l’eau pour  ces enclaves du quart-monde. Voilà  une attention émouvante à en  pleurer, qui mérite d’être relevée.  Peut-être que l’ONU se fait la main  en anticipant sur une 3ème guerre  mondiale où l’eau sera un motif  suffisant de belligérance. Pour ne  s’en tenir qu’à ce “Moyen-Orient compliqué”, le Jourdain, qui arrose  le Liban, la Jordanie, Israël et les  territoires palestiniens occupés,  représente une véritable bombe à  retardement.

Heureusement, les  nuages voyagent sans se soucier  des frontières d’ici-bas. Leur moissonnage  pourrait apaiser les tensions  à fleur de peau dans cette  région de tous les risques. L’eau  comme matière de partage et signe  de paix. Le rêve. Surtout que le ciel  y est souvent sombre et menaçant.  En attendant, cette récompense est  de très bon augure pour la COP22,  qui doit se tenir à Marrakech du 7  au 18 novembre 2016.

Cette façon de moissonner les  nuages est une recherche parallèle  au plan Al Ghait expérimenté  dans les années 1980, pour limiter  les dégâts d’un terrible cycle de  sécheresse. En gros, ce sont des  avions militaires qui pénètrent les  nuages et lancent des cartouches  à iodure d’argent pour permettre la  formation des gouttelettes d’eau.  Encore faut-il que les conditions  atmosphériques soient favorables  à une opération de condensation.  Inconvénient majeur, la méthode  coûte cher pour un rendement  limité, en terme d’espace effectivement  arrosé.

Toujours est-il que dans ce domaine  de modification artificielle du climat  pour provoquer des précipitations,  le Maroc a acquis une expertise  certaine, parfaitement exportable  en direction de l’Afrique. Un bon  point pour la coopération Sud-Sud.

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