Le divorce au Maroc

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Menace sur la famille


Hausse alarmante des séparations conjugales. Risque permanent de désintégration de la famille. Mariage de plus en plus tardif. La cause dans les conditions de vie.

Il est communément admis que la solidité de la cellule familiale participe d’une stabilité certaine du tissu social. Or, la famille n’a jamais été autant sujette à caution, soumise à des pressions souvent insoutenables, dans tous les espaces géographiques. La mondialisation a fait un rabotage par le bas pour tenter d’effacer les nuances de spécificité culturelle. Le Maroc n’y a pas échappé. Preuve en a été fournie par le Réseau marocain de la médiation familiale (CHAML) dans une enquête récente sur les divorces au Maroc, au titre de l’année 2018. La hausse vertigineuse des séparations conjugales a été constatée.

Les statistiques sont alarmantes. Le nombre de cas a plus que doublé en cinq ans. Il est passé de 40.000 en 2013 à plus de 100.000 en 2017. Comme pour mieux ressortir la gravité de ce chiffre, l’association a fait un report sur les mois, les jours et les heures. Cela donne 8.333 divorces par mois; 277 par jour et 11,5 par heure.

Dans le même ordre de préoccupation, il a été relevé que les tribunaux marocains ont enregistré plus de 35.000 dossiers relatifs à des retards ou des refus de paiement de la pension. Les réseaux marocains tels CHAML et Family médiation sont parfaitement conscients de la portée de leur action résumée dans la triptyque «un réseau fort, une médiation efficace, une famille sûre». Une profession de foi qui a du mal à résister aux 8.000 cas à traiter par les associations, avec les moyens du bord. La présidente de CHAML, Asmaa El Mouadden, est la première à en faire le constat. Lorsqu’on rapproche cette réalité à d’autres données chiffrées sur le même sujet de préoccupation, celui-ci prend encore plus d’ampleur. Il s’agit de l’âge du mariage. Il est de plus en plus tardif. Pas moins de 31 ans pour les hommes et 26,6 ans pour les femmes. Ce ne sont que des moyennes; quant à la réalité sans ambages, elle est plus facile à constater, plus dure à vivre.

Filet de sauvetage
Il n’y a pas longtemps, des filles pas encore mariées à plus de 20 ans étaient considérées comme des «vieilles filles» (bayrat). Dans ce genre de situation, ce sont encore une fois les filles et pas du tout les garçons, qui sont mises à l’index par la société. La condition féminine en prend un coup à partir d’un réflexe conditionné complètement intégré par les modes de réaction sociétaux.

La structure familiale est dans le point de mire. Elle est doublement attaquée par le mariage tardif à l’amont et la tendance à la désintégration, suite au divorce, à l’aval. Que dit l’enquête sur les causes de l’un et de l’autre de ces deux mouvements qui convergent vers le déclin de la famille? La famille, majoritairement la référence, en terme de règle de conduite, elle l’est de moins en moins. La famille, filet de sauvetage, en cas de besoin pressant; elle ne l’est presque plus.

Si l’on peaufine un peu plus, histoire de faire docte; dans tous les cas de figure, l’appartenance de classe reste l’élément déterminant pour se marier comme pour divorcer. Ce ne sont pas là que des facteurs relevant de la géographie ou d’un ethnicisme facile et suranné. La vérité toute crue est qu’il est difficile de se marier en étant chômeur endurci. Il en va de même pour le divorce qui peut être perçu comme un allègement d’une situation de précarité durable.

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