et Moulay Hafid Elalamy. Rabat, le 19 Juin, 2015. © Ph : MAP
Après des semaines de rumeurs fondées et infondées, Peugeot Citroën officialise son implantation au Maroc. Le président du directoire de PSA, Carlos Tavares, a signé, vendredi 19 juin 2015, un accord industriel avec le ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy, en présence du Roi Mohammed VI, au Palais Royal de Rabat.
Ce fut une grande annonce pour Moulay Hafid Elalamy, la première depuis le lancement du plan d’accélération industrielle en avril 2014. Le constructeur automobile français va créer un projet industriel de 6 milliards de dirhams (557 millions d’euros) qui porte sur la construction d’une usine d’assemblage de voitures et de moteurs. L’usine devrait être opérationnelle à partir de 2019 et sera dotée d’une capacité de production de 200.000 véhicules et de 200.000 moteurs par an. L’usine, la deuxième du genre au Maroc, devrait participer à la création de pas moins de 4.500 emplois directs (dont 1.500 ingénieurs et techniciens supérieurs) et 20.000 emplois indirects.
À terme, elle devrait générer un milliard d’euros de chiffre d’affaires à l’export, avec une forte intégration locale, dont le taux devrait passer de 60% au démarrage à 80% à terme. Les travaux de construction devront démarrer dès le début 2016. L’investissement sera financé à hauteur de 95% par le groupe PSA. Les 5% restants seront apportés par la Caisse de dépôt et de gestion, présente aussi dans le tour de table de l’usine tangéroise de Renault.
Win-win
Même si PSA est sur les traces de Renault qui n’arrête pas de récolter les succès. Mais, contrairement à Renault, Peugeot-Citroën n’a pas choisi Tanger pour accueillir son usine. Le groupe a opté pour Kénitra, là où s’installent déjà nombre d’équipementiers automobiles clients. Et puis, la région est industriellement pauvre et recèle, chômage oblige, une main d’oeuvre qualifiée à en revendre. Moulay Hafid Elalamy a une autre explication. Pour lui, c’est pour créer un certain équilibre régional, en dehors des deux pôles Casablanca et Tanger. «C’est un partenariat win-win ; Le Maroc en profitera pour élargir son tissu industriel, monter en gamme et créer des emplois durables, tandis que PSA va bénéficier du positionnement stratégique et des coûts compétitifs qu’offre le Maroc pour attaquer les marchés du Moyen-Orient et du continent africain», souligne-t-il. Moulay Hafid Elalamy préfère, en manager aguerri, parler concret. Ce qui explique que les négociations avec le groupe français n’ont pas duré plus de trois mois.
Pour PSA, ce projet marocain s’inscrit, selon Carlos Tavares, qui connaît bien le Maroc pour avoir été numéro 2 de Renault au moment où ce dernier s’installait à Tanger en 2012, dans le cadre du fameux plan de redressement lancé en avril 2014 pour remettre à flot le constructeur, malmené par la crise européenne.
Objectifs réalisables
Le secteur automobile au Maroc emploie aujourd’hui 80.000 personnes et a généré à fin 2014 un chiffre d’affaires à l’export de près de 40 milliards de dirhams, dépassant la filière des phosphates. Une prouesse rendue possible grâce à l’installation de Renault à Tanger, qui participe à elle seule à la moitié de ces performances commerciales. Devenu en moins de dix ans le premier constructeur automobile de l’Afrique du Nord et le deuxième du continent, le Maroc ne veut pas en rester là. En 2020, le Royaume ambitionne en effet de multiplier par 2,5 les exportations du secteur, de créer 56.000 nouveaux emplois et d’augmenter surtout le taux d’intégration locale de 20 points pour atteindre un taux moyen de 60%. «L’usine PSA va contribuer à coup sûr à la poursuite de ces objectifs, en poussant de nouveaux équipementiers à venir au Maroc», lance Moulay Hafid Elalamy.
Cette performance réanime le commerce extérieur, qui affiche bonne mine au terme des quatre premiers mois de 2015. Les exportations s’améliorent de 6,5%, à 72,2 milliards de DH, confirmant la montée en puissance des nouveaux métiers mondiaux du Maroc. A l’évidence, la stratégie de diversification sectorielle par l’automobile et l’aéronautique semble porter ses fruits. La part de marché mondiale du Maroc dans l’automobile a atteint 0,23% en 2012, dépassant celles de la Tunisie (0,15%) et de l’Egypte (0,08%), contre 0,1% en 2007.
L’automobile pèse 30% de exportations marocaines vers l’Union Européenne. La même prouesse est à relever dans l’industrie aéronautique, qui compte environ 10.000 emplois. Un secteur qui se vante d’avoir capté des investissements récents comme ceux de Alcoa ou Ateliers de Haute Garonne.
L’industrie aéronautique est assurément un succès. Le secteur, qui comptait moins d’une dizaine d’opérateurs il y a douze ans, est devenu en l’espace d’une décennie une véritable base aéronautique avec plus de 110 entreprises, 11.000 salariés hautement qualifiés, un chiffre d’affaires à l’export de plus de 1 milliard de dollars (5% des exportations totales du pays). Sur la période 2008-2013, ses exportations ont enregistré une hausse annuelle moyenne de 19%. Le secteur est représenté par une centaine d’entreprises, dont Safran, UTC, Daher, Airbus ainsi que quelques dizaines de PME... Sans omettre l’importante usine de composants de Bombardier en phase de montée en puissance sur le site de la zone franche aéronautique Midparc de Casablanca.
Stratégie d’achalandage
Cette montée en puissance encourage Moulay Hafid Elalamy à donner son aval pour l’instauration d’un fonds d’investissement dédié au secteur. Ces dernières années, l’ouverture économique du Maroc et sa stratégie d’achalandage des investisseurs au travers des incitations, notamment fiscales, font que les nouvelles entreprises américaines, françaises, allemandes, ou même coréennes qui ont exprimé leur intérêt à investir au Maroc dans divers secteurs industriels, sont légion. Bombardier, Airbus, Renault, PSA Peugeot-Citroën et d’autres grandes entreprises mondiales ont transformé le Maroc en une plaque tournante de la production et de la commercialisation.
Le succès des investissements de ces entreprises pousse d’autres entreprises internationales à les imiter, faisant du Maroc, fort de sa stabilité politique, une destination préférée sur le plan régional, voire continental.