Portrait de Khadija Ikan, écrivaine et poétesse
Khadija Ikan a obtenu le 15 février 2018 le prix Tayeb Salih pour sa nouvelle “Ayyam bosniyya”.
Prenez la simplicité de Heinrich Böll, la capacité à jouer et à se jouer des mots de William Faulkner et surtout, pour garder une saveur et un piquant authentiquement marocains, la force de Driss Chraïbi. Mélangez le tout, et ce que vous obtiendrez brosserait sans doute à grands traits le travail de Khadija Ikan.
Même si elle ne fait pas partie des auteurs nationaux les plus en vue, l’écrivaine et poétesse native de Casablanca (le 9 novembre 1972) n’en mériterait pas moins sa place au soleil de la littérature marocaine contemporaine. Sa dernière nouvelle Ayyam bosniyya (Jours bosniens, en français), s’était vu remettre le 15 février dernier à Khartoum, capitale du Soudan, le prix international Tayeb Salih pour la création littéraire, qui porte le nom du défunt écrivain soudanais Tayeb Salih, C’est l’un des plus prestigieux prix de littérature arabe (le total des récompenses est de 99.000 dollars, dont 15.000 dollars pour le vainqueur de chaque catégorie). Cette année, 626 auteurs y ont pris part. Pourtant, et malgré ce nombre conséquent de participants, Mme Ikan était sûre de gagner. «Je ne sous-estime pas les autres auteurs, qui pour la plupart sont des écrivains d’une grande qualité et dont j’admire certains, comme le Palestinien Hassan Hamid et le Marocain Hamid Safahi qui ont obtenu le deuxième et troisième prix, mais je sais ce que j’ai mis dans «Ayyam bosniyya», nous confie Mme Ikan. Même si l’histoire est courte, elle m’a nécessité plus de vingt ans de travail, où je ne cessais de revenir sur le texte.»
De longues recherches
Ayyam bosniyya raconte, à travers une multitude de personnages, l’histoire du massacre de Srebrenica, où en juillet 1995 les forces serbes, chrétiennes orthodoxes, ont exterminé plus de 8.000 musulmans de cette petite ville de Bosnie-Herzégovine. Mme Ikan, qui n’a jamais posé les pieds dans les Balkans, fera de longues recherches sur le pays pour que sa nouvelle soit la plus détaillée et la plus crédible qui soit, au point qu’au moment de l’examiner, le jury du prix Tayeb Salih, auxquels on cache le nom des participants, a cru avoir affaire à un Bosnien. «La dernière chose qu’ils aient imaginée est que l’auteur soit une Marocaine,» raconte, en s’esclaffant, l’écrivaine. Si Mme Ikan a mis autant de coeur à son ouvrage, c’est surtout qu’elle avait été bouleversée par l’histoire de Srebrenica. «Je voulais qu’on garde le massacre en mémoire,» explique-t-elle.
Avant Ayyam bosniyya, Mme Ikan avait été récompensée en 1996 par l’Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (ISESCO) pour sa nouvelle Indama tansabo Carmina Burana (Quand déferle Carmina Burama). Étant originaire de la région amazighophone du Souss, c’est également une prolifique poétesse amazighe, ayant à son actif quatre recueils dans la langue de Muhammad Awzal (Iludi, Tujjut Taqburt, Titrit n Tiwudc, Am Assif Ighezzif).