Maroc-Algérie: mêmes défis, même destin

MUSTAPHA SEHIMI

L’invitation au dialogue est assortie d’une proposition concrète, à savoir la mise sur pied d’un cadre politique et institutionnel devant conduire, à terme, à la normalisation entre les deux pays.

Dans l’histoire passablement heurtée des relations entre Rabat et Alger, les multiples séquences de brouille, voire de crise, n’ont pas manqué; tant s’en faut. Celles marquées du sceau de la normalisation, elles, occupent pratiquement une portion congrue dans le demi-siècle écoulé. Pareille situation allait- elle encore perdurer? Voilà pourquoi le discours royal du 6 novembre 2018, commémorant le 43ème anniversaire de la Marche Verte, va marquer d’une pierre banche les rapports entre les deux pays.

Pourquoi? Parce que le Souverain a pris une initiative historique, celle de la main tendue au voisin de l’Est. Il ne s’agit pas d’une pétition de principe ni d’une rhétorique convenue telle qu’on la retrouve dans le langage diplomatique conventionnel. Bien au contraire, l’invitation au dialogue et à la concertation est assortie d’une proposition concrète, à savoir la mise sur pied d’un cadre politique et institutionnel devant conduire, à terme, à la normalisation entre les deux pays. Il aura plusieurs caractéristiques; la première d’entre elles a trait à la physionomie et à l’articulation de ce nouveau mécanisme; notamment les points suivants: un niveau de représentation responsable, parlant au nom des deux États et aidant ainsi à la recherche et à la finalisation des accords devant les lier. Un format approprié, autrement dit une méthodologie de travail pouvant être déclinée autour de commissions sectorielles (sécurité, frontières, indemnisation, circulation des biens et des personnes, coopération économique, …). Le Maroc a des idées en la matière et il ne propose pas un menu fixe mais plutôt à la carte: il est ainsi tout à fait réceptif à prendre bonne note d’«éventuelles propositions et initiatives» de l’Algérie tant il est vrai qu’il s’agit, au final, d’arriver à des procédures et à des modalités de nature à mettre fin à l’impasse actuelle, qui n’a que trop duré.

Aujourd’hui, le mot d’ordre doit être ce tryptique: détente, entente et coopération. C’est, évidemment, l’horizon souhaitable autour duquel il faut oeuvrer de concert. Il y a tant à faire entre les opérateurs publics et privés; et les échanges commerciaux entre les deux pays ne dépassent pas 3 milliards de dollars, soit moins de 5% des chiffres de leurs ventes et achats.

Les défis sont communs. L’on ne peut optimiser les conditions de leur relèvement que si une volonté partagée se manifeste et se mobilise dans ce sens. La liste est longue des chantiers et des réformes à l’ordre du jour, dont, en premier, un processus d’intégration régionale. La croissance reste modeste et, en l’état, elle ne permet pas d’escompter un véritable décollage pouvant conduire enfin à l’éligibilité au rang des pays émergents.

Et au Maroc et en Algérie, la contrainte est pratiquement la même: redéfinir un nouveau modèle de développement, mais inséré, cette fois, dans une perspective non plus isolée, nationale, en silo, mais en y intégrant les paramètres d’une zone de libre-échange déjà prescrite dans le traité de création de l’UMA, scellé en février 1989 à Marrakech. Il y a plus dans les grands chantiers au long cours comme ceux du système éducatif et de formation, d’une société du savoir aussi sans oublier les complémentarités sectorielles (énergie, agriculture, tourisme, gestion hydrique…)

Le non-Maghreb a un coût économique de 2% de croissance – toutes les études retiennent ce chiffre. Il a aussi un coût politique parce qu’il pèse sur les synergies des dialectiques de démocratisation dans la région. Il a, enfin, un coût sécuritaire couvrant la paix et la stabilité alors que tant de risques et de menaces n’épargnent pas le Maghreb. Le choix est stratégique et il répond au surplus aux aspirations historiques des deux peuples. Même destin...

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