LÉGISLATIVES DU 7 OCTOBRE 2016
Mohamed Selhami
La campagne électorale officielle n’avait même pas encore commencé que nous savions déjà à quoi nous attendre au lendemain du 7 octobre 2016. Dans une émission de télévision, consacrée aux élections, Ilias El Omary, secrétaire général du PAM, a déclaré, mardi 20 septembre 2016, que si son parti remportait les législatives en jeu, il n’inviterait pas le PJD à faire partie de sa coalition gouvernementale. Voilà une déclaration que son vis-à-vis islamiste, Abdelilah Benkirane, signerait des deux mains parce qu’il ferait de même.
Ce duel de poids lourds semble avoir clos les débats. Il n’y a même plus d’enjeu, puisque les jeux sont faits. Et si l’on ne voulait ni de l’un, ni de l’autre de ces deux protagonistes qui se suffisent à eux-mêmes? Impossible, le menu du jour est ainsi fixé, il n’y a pas de choix à la carte. De quoi couper l’appétit électoral. Nous n’avons donc d’autre option qu’un Benkirane 2 porté par une conjoncture providentielle en 2011, usé par les décisions qu’il a dû prendre durant son mandat; ou un Omary, hier encore inconnu au bataillon.
C’est à se demander si les Marocains, avec l’ampleur des problèmes auxquels ils font face, ne méritaient pas une offre un peu plus étoffée; pas uniquement pour la parade électorale, juste pour sacrifier au passage obligé du suffrage universel; mais pour de bon. Le Maroc d’aujourd’hui où les urgences économiques et sociales ne peuvent plus attendre, peut-il s’offrir cinq années qui risquent d’être blanches en terme de résultat? Ceci, dans la moins alarmiste des configurations de demain. Car, ça pouvait être pire.
Durant la précédente législature, les Marocains ont eu le loisir d’apprendre à leurs dépens que les formules incantatoires et les réparties parlementaires de bas niveau ne sont pas la solution à leurs problèmes, pas plus qu’elles ne peuvent cacher éternellement leur désarroi. Tout ce qu’on leur promet c’est qu’avec la votation actuelle, tout ou presque va changer dans leurs conditions d’existence et leur vision des lendemains qui chantent. La carte RAMED sera opératoire sans bakchich pour l’accès à de vrais soins de santé; l’école publique produira moins d’illettrés et les universités moins de chômeurs; dans le logement social, il y aura un peu moins de carton-pâte et un peu plus de ciment; il n’y aura plus de contrées oubliées et coupées du monde faute d’équipements de base, etc. Les candidats savent que ce discours ne prend plus. Ils commencent par s’en défendre, avant d’y succomber.
Si la démocratie n’est rien d’autre que ce genre de répétition sisyphéen, alors tant pis pour la démocratie. À moins que l’on puisse dissoudre le peuple électeur qui vote mal ou qui ne vote pas du tout. Cette désaffection de la chose publique a produit un profil de société où règnent le solipsisme absolu; le chacun-pour-soi total et le désir de s’en sortir seul, dans le meilleur des cas avec les siens, quels qu’en soient le prix et les dégâts pour les autres. La monarchie, telle qu’elle est personnifiée par S.M. Mohammed VI, constitue un socle de protection et une voie de recours. Elle est parvenue, avec toute la relativité requise par rapport à l’ampleur de la tâche, à assurer une condition première: la sécurité des personnes et des biens et une forme de stabilité incarnée par une représentation physique de l’État par le roi. Ce qui est une prouesse dans le monde actuel sur lequel nous avons toujours été ouverts.
Quant à la stabilité politique à caractère partisan, elle pourrait être rompue au cas où ni le PJD ni le PAM n’arriveraient à rassembler une majorité parlementaire. Ce genre de crise gouvernementale, l’Italie et la Grèce l’ont vécu, l’Espagne le vit toujours. L’absence de gouvernement n’a pas empêché le pays de fonctionner quasi normalement. Ce serait peut-être là une bonne chose pour nous. On vivra enfin dans une démocratie à l’épreuve d’elle-même et sommée de dégager les meilleurs parmi ses animateurs attitrés