Le ministre des Affaires étrangères veut dynamiser son département

M. Nasser Bourita

Il court, il court, Nasser Bourita


En un an et demi seulement, le ministre des Affaires étrangères a montré des qualités certaines qui pourrait durablement marquer les esprits au sein de son département.

Ça doit bien cauchemarder, ces jours-ci, rue Franklin Delano Roosevelt à Rabat. Plusieurs cadres du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale risquent en effet de se retrouver dans quelque temps sur la sellette. Le 14 septembre 2017, le ministre Nasser Bourita vient de rendre publique sa décision d’opérer un large mouvement de troupes au sein du département. Et aucune direction n’y échappe. Quelque soixante-sept postes sont, au total, à pourvoir. D’après certaines sources médiatiques, l’objectif serait de doter le ministère d’une structure “forte et solide”. “La décision a été prise par Nasser Bourita, ministre de tutelle, pour qu’un poste de responsabilité ne soit plus considéré comme un acquis, a fortiori une rente,” rapportent certaines sources.

Une équipe de choc
Depuis son arrivée aux commandes en avril 2017 après avoir été auparavant, déjà, secrétaire général et ministre délégué, M. Bourita semble décidé à impulser une nouvelle dynamique au ministère des Affaires étrangères. Les nominations à venir ne sont d’ailleurs pas les premières depuis le début de son mandat. En juillet 2017 déjà, trois nouveaux directeurs avaient pris place, à savoir Redouane El Housseini à la direction des Nations unies et des organisations internationales, Abdellah Benmelou à la direction de la coopération multilatérale et des affaires économiques internationales et Ismail Chakkouri à la direction des questions globales. Des hommes qui, en plus de jouir d’une grande expérience et d’une parfaite connaissance de leurs dossiers, sont censés apporter du sang neuf à la diplomatie nationale. “Le ministère des Affaires étrangères souffre depuis longtemps d’une sorte d’immobilisme, relatif bien sûr puisqu’il ne concerne pas toutes les directions et tous les services, mais le fait est qu’il fallait à un moment opérer un changement, analyse un ancien diplomate. Nasser Bourita, qui est un enfant de la maison, connaissait bien cet état de fait, et maintenant il agit en conséquence.”

Surtout, M. Bourita semble disposer de l’appui total du roi Mohammed VI. Ce dernier, qui l’avait d’abord très symboliquement désigné ministre délégué lors du conseil des ministres qu’il avait présidé début 2016 dans la région du Sahara, l’avait indirectement félicité dans son dernier discours de la révolution du roi et du peuple en saluant son travail “sérieux” et sa mobilisation “efficace”. Il faut dire que le ministre a su parfaitement tirer son épingle du jeu au cours d’une année diplomatique particulièrement chargée, avec notamment l’adhésion du Maroc en janvier 2017 à l’Union africaine (UA) et tout le feuilleton qui plus de six mois durant, depuis l’officialisation de l’intention marocaine, l’avait précédée.

En coordination avec les membres du Cabinet royal, notamment Taïeb Fassi Fihri, qu’il a déjà côtoyé près de deux décennies durant au ministère, M. Bourita a contribué à déjouer les manoeuvres de pays ennemis, notamment l’Algérie et l’Afrique du Sud, qui avaient fait des mains et des pieds et même plus pour retarder, si ce n’est empêcher, le retour du Maroc dans les instances décisionnelles du continent. Le quotidien français Le Monde en avait fait, à cette occasion, un des quatre membres de l’équipe de choc de Mohammed VI. “C’est un homme de dossiers,” avait dit de lui le journal.

Une sincère conviction
Actuellement, M. Bourita est également à pied d’oeuvre pour parer aux complots des mêmes parties, qui cette fois visent à entraver l’adhésion, programmée pourtant pour décembre 2017, du Maroc à la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CÉDÉAO). Le ministre représentait ainsi Mohammed VI au 51ème sommet de l’organisation en juin 2017 dans la capitale du Libéria, Monrovia, où les chefs d’État et de gouvernement de la zone avaient répondu favorablement à la demande du Royaume, et vient de s’entretenir le 29 août 2017 à Rabat avec le président de la commission de la communauté, Marcel de Souza, pour fixer les dernières modalités juridiques et techniques.

Ce dernier se disait au passage, quelques mois plus tôt, dubitatif quant à une éventuelle adhésion du Maroc. Il a, depuis, changé son fusil d’épaule. Et pour le moins, M. Bourita n’y est pas vraiment étranger. “La diplomatie marocaine d’aujourd’hui me rappelle celle de l’Algérie dans les années 1960 et 1970, qui malgré le peu de moyens dont elle disposait en comparaison aux pays riches était parvenue à se donner un large écho sur l’échiquier international,” commente un observateur.

Patriote, M. Bourita l’est assurément. Le ministre ne manque jamais de l’exprimer, et il suffit de l’entendre parler de son pays et défendre ses grandes causes avec un tressaillement ému dans la voix pour s’assurer que la conviction qu’il transmet est sincère et nullement feinte. Il peut même aller jusqu’à donner de sa propre personne, comme lors de la septième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD) qui s’était tenue les 24 et 25 août 2017 dans la capitale du Mozambique, Maputo, et où il n’avait pas hésité à affronter des agents de sécurité qui faisaient pourtant plus de deux fois sa taille après que ces derniers eurent empêché la délégation marocaine d’accéder au lieu où se déroulait l’événement.

Un diplomate pur
Des vidéos capturées sur l’instant l’ont montré ne reculant devant rien, se mettant même aux devants, prêt à en découdre. Si, heureusement, tout le monde était sorti de l’affaire sain et sauf, l’attitude téméraire du ministre avait suscité l’admiration de bon nombre de Marocains. “C’est sa personnalité, il va toujours jusqu’au bout de ce qu’il entreprend,” témoigne un cadre du ministère qui a souvent eu personnellement affaire à son chef au cours de plusieurs années de service.

Qualifié aussi de “travailleur acharné”, d’“homme passionné”, M. Bourita est sans doute à 48 ans (il les a fêtés en mai 2017) au zénith de sa carrière. Pur diplomate, il a en un an et demi seulement montré des qualités certaines qui pourraient durablement marquer les esprits rue Roosevelt. Les candidats aux différents postes de direction sont en tout cas prévenus: qu’ils n’espèrent pas se retrouver dans un fauteuil confortable, au risque que ce dernier ne s’avère pour eux éjectable...

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