Au nom du père et du terroir
Il n’aime pas parler de lui. Il faut vraiment insister pour qu’il donne quelques repères de son parcours personnel. Moha Lyoussi a dédié ses incursions politiques et son activisme culturel à son père, Lahcen Lyoussi, qui lui sert de marqueur pour revisiter l’histoire du Maroc contemporain et de sa propre progression dans la vie.
Le personnage impressionne par son calme et par la mesure réfléchie de son propos. Cheveux grisonnants sur un front un peu dégarni, visage émacié, traits fins, élégance raffinée et le verbe haut, Moha Lyoussi est le prototype physique et mental des gens de l’Atlas.
Avec une façade de larges coulisses en verre, la maison de Moha Lyoussi est ouverte aux proches et aux amis, comme pour dire qu’il n’a rien à cacher. Natif de Sefrou, en 1932, son enfance et son adolescence se passent à l’ombre très influente du père, à tel point qu’il fut mis avec lui en résidence surveillée à Benslimane, puis à Essaouira, par les autorités du Protectorat, pendant près de quatre ans. Le jeune Moha n’avait pas plus de 17. Il est déjà imprégné des idées anticolonialistes et des idéaux de liberté, tant aux niveaux de la pensée que, plus tard, de l’action politique. Il use son burnous sur les bancs du célèbre collège berbère d’Azrou, puis du lycée des Orangers, à Rabat. Mais sa véritable école est celle des Aït Lyoussi, la patrie des hommes libres qui n’ont d’autres horizons que les cimes des montagnes environnantes. Une sorte de déterminisme géographique et culturel qui façonnera la personnalité de Moha.
Confrontation d’idées
Préfet maritime du port de Casablanca, dans les années 1960, Moha Lyoussi a été l’un des animateurs de la mouvance populaire et député durant deux législatives, 1984-92 et 1993-97. Sans cloîtrer son activité dans un berbérisme exclusif; dont il s’est, d’ailleurs, toujours défendu, M. Lyoussi a élargi son champ d’action à toutes les problématiques de l’actualité nationale et internationale. Pour ce faire, il s’est doté d’un outil de travail, au nom du père: «Le Centre Lahcen Lyoussi pour les études et les recherches». Un centre ouvert à tous les courants de pensées. Inauguré les 20 et 21 novembre 1998, le centre a pour vocation la confrontation d’idées, y compris et surtout sur des sujets et des prises de positions qui avaient suscité une polémique enflammée et des affrontements tribunesques retentissants.
À titre d’exemple, Moha Lyoussi avait réussi à mettre autour d’une table de discussion apaisée, des acteurs politiques qui étaient loin d’avoir la même approche du fameux dahir de 1958 sur les libertés publiques. Étaient présents Mahjoubi Aherdane et Abdelkrim El Khatib; Mohamed El Yazghi et Abdelouahed Radi; Kacem Zhiri et Mohamed El Ouafa; Abdelouahed Maach et Mahjoub Benseddik. Une prouesse. Sous la direction de Moha, le Centre Lahcen Lyoussi continue sur la même lancée autour de thèmes de grande pertinence politique ou intellectuelle.