Au nom du grand-père

Nizar Baraka

Nizar Baraka, un travailleur de tous les instants


En élisant Nizar Baraka à leur tête, les Istiqlaliens ont fait le choix du sérieux et de l’abnégation.

Dans une certaine mesure, Nizar Baraka à la tête de l’Istiqlal, ce n’est pas vraiment une surprise. Ceux qui suivent son parcours depuis ses débuts politiques il y a 36 ans savent en effet qu’il était en quelque sorte «prédestiné ». «Au vu de son extraction, il était de toute façon amené à jouer un certain rôle au sein du parti,» estime un observateur, en référence au fait que M. Baraka soit le petit-fils du fondateur et père spirituel de l’Istiqlal, Allal El Fassi, mais aussi le gendre de l’ancien secrétaire général et premier ministre, Abbas El Fassi. Pour une formation où les liens familiaux ont toujours compté, la chose n’est en effet pas anodine.

Efficacité» et responsabilité
Mais réduire l’ascension de M. Baraka à sa seule appartenance filiale serait injuste envers lui. L’homme a ainsi largement prouvé, au cours de sa carrière qui l’a notamment amené à diriger le ministère de l’Economie et des Finances ainsi que le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qu’il était en fait un véritable homme d’État. Dans la lettre de félicitations qu’il lui a adressée, le roi Mohammed VI a, à cet égard, salué son «efficacité» et son «sens élevé de la responsabilité».

«Le Roi le connaît très bien et sait que M. Baraka est à même de contribuer au renouvellement de l’offre politique, comme il en avait fait le voeu dans son dernier discours du trône,» croit savoir un Istiqlalien de la première heure.

De fait, l’arrivée aux commandes de M. Baraka n’est pas vraiment le fruit du hasard. Elle intervient à un moment où les partis politiques sont vilipendés, au mieux ignorés par les Marocains, ce qui est susceptible de jeter le discrédit sur l’ensemble des institutions où ils sont présents. Dans une de ses rares sorties médiatiques, le conseiller de Mohammed VI, Abbas El Jirari, en avait averti en juillet, dans une interview au quotidien Assabah. «Tout le monde attend l’intervention de Sa Majesté le Roi mais cela ne constitue pas la solution,» affirmait-il. Plus précisément s’agissant de l’Istiqlal, le mandat de Hamid Chabat l’a particulièrement mis à mal.

Sans-gêne, populiste, l’ancien maire de Fès a jusqu’au bout usé de tous les moyens possibles et imaginables pour rester maître de l’Istiqlal, au point d’avoir commis bien des bourdes -accusations envers le ministère de l’Intérieur de mainmise sur le jeu politique, propos irrédentistes à l’encontre de la Mauritanie.

En haut lieu comme au sein du parti, M. Chabat a passablement irrité. «Il mène la politique de la terre brûlée,» le fustigeait l’ancienne ministre de la Santé, Yasmina Baddou, qui à plusieurs reprises eut maille à partir avec le concerné (qui l’a par ailleurs pour cette raison suspendue en février 2017, au même titre que bien d’autres jeunes loups du parti avant elle, ce qui est pour le moins significatif quant à son caractère de dictateur). M. Baraka, lui, présente un profil à tout point de vue différent. «Il est plutôt du genre conciliant et s’intéresse plus au travail qu’aux intrigues,» témoigne une de ses anciennes collaboratrices au ministère des Finances.

Un Istiqlalien de confirmer: «Malgré les attaques de Chabat à son encontre, il n’a jamais bronché et a toujours essayé de présenter son projet, au lieu de rentrer dans les petits jeux partisans. C’est déjà un chef de parti en bonne et due forme».

Son projet politique pour l’Istiqlal, M. Baraka en avait présenté les grandes lignes dès février dans une tribune à Assabah, avant même d’avoir officialisé sa candidature. Il y parlait de réformer le parti, surtout de permettre aux plus jeunes d’avoir voix au chapitre, de favoriser les compétences, de défendre une ligne politique claire, de redevenir beaucoup plus attractif (comme au temps de son illustre grand-père)... et, éventuellement, de nouveau prétendre au titre de première force politique du pays.

Le “petit premier ministre”
Sept mois plus tard, c’est le même discours qu’il nous tenait lorsque nous l’avions rencontré début septembre à son bureau à Rabat. «Le parti doit mettre en avant une vision, donner du sens à ce qu’il défend et à son programme,» nous confiait-il. En somme, des idées bien arrêtées sur la meilleure façon de permettre à l’Istiqlal de reconquérir les coeurs et les esprits des Marocains, et pourquoi pas, pour ce qui est de son cas spécifique, enlever un jour le poste de chef de gouvernement.

Une fonction qu’il a déjà «quelque peu» assurée par le passé du temps où il officiait dans le gouvernement de Abbas El Fassi à la tête du département des Affaires générales et de la Gouvernance. «On pouvait tout autant s’adresser à lui,» se souvient un ancien collègue. On l’aurait même surnommé alors «petit premier ministre».

Paradoxalement, M. Baraka n’est pas du genre à se mettre en avant. Plutôt timide, il aime, d’après ses proches, plutôt se plonger dans son travail. Beaucoup l’auraient à cet égard bien vu poursuivre une carrière d’universitaire, qu’il avait d’ailleurs débutée dans la première moitié des années 1990 à son retour de France, où il avait décroché un doctorat en économie. «C’est un bosseur, il lui arrive souvent d’enchaîner des journées de 12h de travail,» témoigne, admirative, une de ses anciennes collaboratrices, déjà citée plus haut.

Du temps où il officiait en tant que ministre de l’Economie et des Finances, la Banque mondiale l’avait plébiscité, en lui remettant un prix en 2013. Elle avait notamment salué, à cette occasion, son «efficacité» et son «dévouement». Également séduit, Mohammed VI l’avait désigné en 2013 président du CESE, après sa démission du gouvernement Benkirane, d’où M. Chabat avait fait sortir l’Istiqlal. Depuis lors, M. Baraka a réussi à faire du conseil une institution qui compte.

Une grande estime
Le nouveau modèle de développement du Sahara? C’est lui. La prise en compte du capital immatériel dans la richesse nationale? Lui aussi. M. Baraka a même été mis à contribution dans des dossiers qui ne sont pas vraiment de son ressort direct, telle la 22ème Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques «COP22», dont il a présidé le comité scientifique. Il faut dire que là aussi, Mohammed VI a préféré se reposer sur quelqu’un qu’il connaît bien et dont il sait qu’il donnera de sa personne pour mener à bien les missions qui lui sont confiées.
«Baraka a été pendant toute la durée de préparation de la COP22 en constant contact avec les hommes du Cabinet royal, où il jouit d’une grande estime,» assure un proche du dossier. Après Abbas El Fassi, l’Istiqlal pourrait donc bien donner à l’avenir un autre de ses dirigeants chef de gouvernement. S’il ne s’agit sans doute pas là pour lui d’une finalité, M. Baraka en aurait en tout cas, assurément, toutes les qualités.

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