Opération "coup de poing" de Hammouchi

LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ À CASABLANCA

A Casablanca, particulièrement, le patron de la police appelle aux renforts pour lutter contre une criminalité et notamment le phénomène de Tcharmil, qui nourrit la paranoïa des habitants de la capitale économique du pays.

Des policiers de plusieurs villes viennent au renfort de leurs collègues casablancais pour mener dans les prochains jours une grande opération que l’on peut baptiser «coup de poing» (appellation devenue courante dans le jargon des forces de l’ordre et qui a été donnée par l’ex-président de la Côte d’Ivoire Félix Houphouët-Boigny à une opération visant à rétablir l’ordre à Abdijan début des années 80) visant à neutraliser une criminalité ascendante et surtout les adeptes de Tcharmil (agressions au sabre) devenus nombreux, semant la terreur au sein des habitants de la capitale économique. Les renforts sécuritaires vont aussi assurer une présence policière dissuasive, permanente et remarquée, sur la voie publique.

Agressions au sabre
Outre ces actions sécuritaires, toutes les unités de la préfecture de police de Casablanca (services de la Police judiciaire, les arrondissements de la police et les unités spéciales et la Brigade des Motards) vont participer à cette campagne. C’est, grosso modo, la décision du patron de la police, Abdellatif Hammouchi. A l’origine de cette décision, la recrudescence des actes de Tcharmil et le pullulement des vidéos d’agressions au sabre diffusées soit en direct soit quelques minutes après l’acte criminel sur les réseaux sociaux. Il ne passe pas un jour sans que le mot «Tcharmil» revienne dans toutes les bouches. Les adeptes de cette «mode» font l’apologie de la violence sur des photos qu’ils postent ensuite, sans être inquiétés, sur les réseaux sociaux, ce qui nourrit la paranoïa des habitants de Casablanca, à l’instar des grandes villes du Royaume.

«Tcharmil» signifie, en arabe dialectal marocain, une marinade de viande préparée par des bouchers munis de grands couteaux. Sauf que les «mcharmlines», les délinquants appartenant à cette «secte criminelle», se munissent souvent de sabres, leur marque de fabrique, sans compter certains signes extérieurs: baskets de marque Nike Air Max de préférence, scooters de grosses cylindrées et un style de coiffure iroquoise (attribuée par la légende aux Mohicans et aux tribus Mohawks) où seuls les cheveux au milieu du crâne ne sont pas rasés. Certains d’entre eux, cherchant à montrer qu’ils n’ont pas peur d’être démasqués, n’hésitent pas à dévoiler sur Facebook leur butin: bijoux, liasses de billets... Rien qu’à les voir, exhibant leurs sabres, c’est une peur bleue qui s’empare des citoyens et qui renforce davantage le sentiment d’insécurité devenu une réalité dans les grandes villes.

Inquiétudes américaines
En mai 2019, en sus des restrictions conseillées aux citoyens américains, le Conseil consultatif sur la sécurité outremer (OSAC), rattaché au département d’Etat américain, s’était inquiété de la montée en flèche de la criminalité dans le Royaume. D’après ce rapport, rédigé et publié afin d’évaluer les dangers qu’encourent les ressortissants américains à l’étranger, la criminalité au Maroc prend des proportions inquiétantes, voire alarmantes, malgré les efforts fournis par la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) pour changer cette perception.

Le rapport américain se base sur des reportages dans les médias, «des observations anecdotiques», les dires des enseignants dans les écoles américaines et quelques rapports. Il évoque ainsi en premier lieu le taux de criminalité assez élevé dans les grandes villes. Le conseil fait part de ses préoccupations et met quelques restrictions, allant jusqu’aux moyens de transport que devraient prendre ses ressortissants. Il conseille ainsi «d’éviter les bus publics intra-urbains au Maroc, qui sont souvent en mauvais état et les conducteurs peuvent être agressifs et téméraires. Eviter les ‘grands taxis’ qui peuvent être encombrés et inconfortables, sauf dans les zones rurales où il n’y a pas d’autre moyen de transport. Eviter de prendre des bus la nuit, car les routes deviennent plus dangereuses la nuit; des criminels ont volé et/ou agressé sexuellement des voyageurs endormis».

Cette situation est vécue au quotidien par les habitants des grandes villes et même des petits patelins où le chômage des jeunes est encore plus élevé. Le calvaire que vivent au quotidien, à titre d’exemple, les travailleurs, notamment les femmes, en faisant le chemin de la maison vers l’arrêt de bus ou de taxis, devient de plus en plus insupportable. L’insécurité à Casablanca atteint des seuils intolérables. Agressions, vols, cambriolages, viols, homicides, meurtres prémédités, violence gratuite...

Villes criminogènes
Faire une promenade ou sortir pour faire des emplettes à la tombée de la nuit demande beaucoup de courage. Certains quartiers sont réputés pour être des fiefs de criminels: Hay Lalla Meryem, Hay Moulay Rachid, quartier Bousbir (au coeur de l’ancienne médina), Derb El Kébir... Même les quartiers huppés ne sont pas épargnés. Anfa serait même, aussi bizarre que cela puisse paraitre, le quartier le moins sûr. Le Crime Index 2017 et 2018 Mid-Year dévoilé par le site Numbeo, qui fournit des classements mondiaux sur la criminalité, place Casablanca à la 13ème place des villes les plus dangereuses du continent africain, et la deuxième en Afrique du Nord juste derrière Le Caire. Selon Numbeo, la capitale économique figure au top 3 des villes les plus dangereuses du monde arabe.

Ce n’est pas tout. Dans son rapport publié en 2017, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) souligne que la hausse du taux des crimes peut avoir une incidence, à terme, sur la perception de la sécurité par les citoyens, en particulier dans des zones défavorisées. Ce sentiment est nourri quotidiennement par des actes de violence et des crimes abominables, des scènes horribles auxquelles les citoyens assistent, bon gré mal gré, dans la rue, dans le bus.

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