Quel avenir pour le PAM?

Fatima Zohra Mansouri milite pour le retour de Ilyas El Omari à la tête du parti.

Le Parti authenticité et modernité menacé par des querelles intestines


Depuis la démission d’Ilyas Elomari début août, le parti du tracteur donne l’impression d’être au bord de l’implosion.

C’est un spectacle bien inédit auquel on assiste ces jours-ci au Parti authenticité et modernité (PAM). Le parti du tracteur est en effet, depuis le départ début août 2017 d’Ilyas Elomari du poste de secrétaire général, en proie à des querelles intestines sans précédent. Ainsi, il vient de connaître la démission de tout un pan de ses dirigeants dans la région du Souss en raison de l’appui apporté justement par M. Elomari à Mouad Dalil, un notable local affilié à la formation, aux élections législatives partielles qui doivent avoir lieu le jeudi 5 octobre 2017 dans la ville de Taroudant.

Or, le bureau politique avait promis de ne pas présenter de candidat dans ladite circonscription après que la cour constitutionnelle ait invalidé en juillet 2017 l’élection de Hamid Ouahbi, pour avoir utilisé au cours de sa campagne le drapeau national.

Des réunions houleuses
Ce dernier, qui n’est autre que le frère de l’ancien président du groupe parlementaire du parti, Abdellatif Ouahbi, y a vu une trahison de la part des instances dirigeantes du PAM et surtout de M. Elomari, et a donc préféré se retirer, en compagnie de ses autres pairs locaux, des affaires de la formation. Dans le communiqué ayant fait suite à sa démission, le 21 septembre 2017, il invoque ainsi des “raisons personnelles”.

Ces démissions sont bien sûr naturelles au sein d’un parti. Le PAM d’ailleurs luimême en a souvent connu. Certains, dans la ville de Sidi Bou Othmane notamment, avaient même rallié en 2015 l’ennemi juré du Parti de la justice et du développement (PJD). Mais jamais, en désormais plus de neuf ans d’existence, M. Elomari n’avait été autant pointé du doigt, lui qui pour beaucoup a été le maître d’oeuvre du parti. Ainsi, la contestation ne concerne pas seulement les différents bureaux de régions du PAM, mais jusqu’au bureau politique. Les réunions de ce dernier deviennent ainsi, de semaine en semaine, de plus en plus houleuses. Celle du 23 septembre 2017 a, à cet égard, été si tendue qu’il a dû se fendre dans la foulée d’un appel au calme fort parlant. Il y fait ainsi notamment mention de “critique constructive”, à même de garantir pour lui la pérennité du parti. Mais le mal est paraît-il profond.

Le garant de la paix sacrée
“La prochaine réunion du conseil national sera sans doute décisive, commente un ancien du parti. Soit tout le monde s’accordera sur une seule et même direction, soit ce pourrait bien être la fin.” Cette réunion du conseil national, prévue le 21 octobre 2017, devra ainsi confirmer la démission de M. Elomari, qui stricto sensu reste pour l’instant secrétaire général. Beaucoup d’ailleurs appellent ce dernier à revenir sur sa décision, voyant le parti voler en éclat en l’absence d’un leader à son image à même de mettre d’accord et de garantir la paix sacrée. C’est le cas notamment de la présidente du conseil national, Fatima Zohra Mansouri, proche également dans la vie de M. Elomari.

Elle et d’autres caciques du PAM ne manquent ainsi pas de jurer leur fidélité à celui qui est également président de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma. Cependant, beaucoup croient savoir que les dés auraient été définitivement jetés. “Cela ne sert à rien d’appeler Ilyas à continuer, ce qu’il faut faire maintenant c’est réfléchir à un avenir alternatif au parti, au risque que le PAM ne devienne dans bientôt qu’un lointain souvenir,” commente un observateur.

De fait, beaucoup voient dans les mois à venir la chronique annoncée de la mort du PAM. À tout point de vue, le fait est que le parti a raté le coche. Ainsi, à sa naissance en 2008, son objectif était de parer au PJD; qualifié alors d’ennemi à abattre. Or, qu’en a-t-il été? Le PJD, qui n’était alors que la deuxième force politique du pays, a accédé depuis lors au premier rang, aidé en cela par un opportun Printemps arabe en 2011 qui a battu en brèche les tentatives de mainmise sur le jeu politique. Pis, sa position s’est encore renforcée aux élections législatives d’octobre 2016, avec 18 sièges supplémentaires.

Le PAM a certes lui aussi connu une importante progression (102 sièges actuellement, deuxième parti du parlement), mais pas au point d’avoir pu rattraper son vis-à-vis. Et le moins que l’on puisse dire est que le sentiment au sein de l’Etat est que le parti n’est pas véritablement en mesure de changer la donne.

Pas de véritable ancrage
Ainsi, depuis lesdites législatives, on a vu la montée en puissance du ministre de l’Agriculture, Aziz Akhannouch, devenu quelques mois après l’annonce de sa retraite politique secrétaire général du Rassemblement national des indépendants (RNI). Et puis il y a surtout eu le Hirak du Rif. Ce mouvement social, né de la mort accidentelle en octobre 2016 d’un poissonnier dans la ville d’Al Hoceima (broyé par la benne tasseuse d’un camion de ramassage d’ordures), a en effet mis en évidence que le PAM n’avait pas de véritable ancrage dans ladite région.

Un usage presque commercial
Car un des arguments sur lesquels on s’était basé en 2007-2008 pour pousser au devant des personnalités comme justement M. Elomari ou encore Hakim Benchamach (actuel président de la chambre des conseillers) était qu’elles étaient rifaines et qu’en leur donnant voix au chapitre au sein des institutions, on pouvait espérer se réconcilier avec le Rif. Or non seulement cela n’a été que l’occasion d’en faire pour beaucoup un usage presque commercial, mais pis, le mouvement social grondait de semaine en semaine, et M. Elomari a été incapable de l’éteindre, même après la conférence nationale qu’il avait organisée en juin dans la ville de Tanger. Au vrai, sa démission de début août était plus une fatalité qu’une option. Comment alors imaginer à l’avenir le PAM? Difficile à savoir. Dans l’histoire du Maroc, les partis dits d’administration qui se sont succédé ont connu des fortunes diverses.

Le RNI, après une longue traversée du désert, a connu une résurgence à la fin des années 1990. Même chose pour l’Union constitutionnelle (UC), revenue aujourd’hui au premier plan, avec deux ministres au gouvernement. Mais il y a eu aussi le Front de défense des institutions constitutionnelles (UC), lui carrément disparu. Dans quelle case mettre le PAM? Le moins que l’on puisse dire est qu’aucun scénario n’est complètement à écarter, même le pire.

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