Rabat et Abou Dabi, frères ennemis?

Tournée du ministre des Affaires étrangères dans le Golfe

Et si le coeur des tensions avec ce qu’on appelle les pays du blocus contre le Qatar, c’est-à-dire l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn en plus de l’Egypte, se trouvait non à Riyad, comme on serait tenté de le penser, mais à Abou Dabi? C’est ce qu’on pourrait croire à partir du programme de visite du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Nasser Bourita, au Golfe, où il s’est rendu en tournée du 9 au 11 avril 2019 pour porter des messages de la part du roi Mohammed VI aux divers dynastes locaux. S’il s’est, ainsi, entretenu avec le roi Salmane d’Arabie saoudite ainsi que et surtout avec son fils et héritier, le prince Mohammed ben Salmane, que l’on présente généralement comme l’homme fort de l’axe des pays du blocus, le chef de la diplomatie n’a pas fait de même avec les responsables émiratis et a complètement ignoré leur pays. Il n’y avait évidemment pas, tout simplement, de message à porter à ces responsables.

«Pour le Maroc, la politique étrangère est une affaire de souveraineté,» avait martelé le ministre. Référence était visiblement faite au refus du Maroc de s’aligner sur les pays du blocus suite à leur décision de couper toute relation et tout contact avec le Qatar en juin 2017 et d’adopter une position qui avait été qualifiée à l’époque par le ministère des Affaires étrangères de «neutralité constructive». Si cette déclaration de M. Bourita avait surpris, surtout qu’elle était intervenue à peine huit jours après l’appel téléphonique passé entre le roi Mohammed VI et Salmane -le 20 mars- sur initiative de ce dernier, il semble que son destinataire est moins à chercher côté saoudien que des Emirats.

En tout cas, il est clair qu’il y a de l’orage dans l’air depuis quelque temps entre Rabat et Abou Dabi, comme tend à le prouver le rappel, fin janvier, de l’ambassadeur du Royaume dans cette dernière, jamais vraiment officialisé mais confirmé à mots couverts par M. Bourita dans une conférence conjointe avec son homologue espagnol Josep Borrell le 14 février à Rabat -le ministre avait parlé de «concertation sur les profondes mutations que connaît la région du Golfe au niveau des relations entre les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ainsi que celles de ces pays avec le Maroc». Avec l’Arabie saoudite, qui avait également été concernée par le rappel d’ambassadeurs, les choses semblent désormais aplanies, malgré le soutien de Riyad à la candidature nord-américaine pour l’organisation de la Coupe du monde de football de 2026 au détriment du Royaume

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