Rabat gagne la première manche


Le premier rapport de Köhler plutôt favorable au Maroc


La diplomatie nationale a été mise à rude épreuve ces dernières semaines. Coup sur coup, elle a essuyé deux revers face à l’Algérie. D’abord de la part de la justice sud-africaine, qui a considéré le 23 février 2018 que le phosphate extrait au Sahara marocain n’appartenait pas au Maroc et a, à ce titre, ordonné la vente au profit du front séparatiste d’une cargaison de 54.000 tonnes qu’elle avait fait saisir à Port Elizabeth le 1er mai 2017.

Puis, le 28 février 2018, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) estimait que l’accord de pêche maroco-européen, au titre duquel 126 bateaux de pêche du Vieux Continent peuvent jeter leurs filets dans les eaux territoriales nationales en échange d’un chèque annuel de 40 millions d’euros, ne s’appliquait pas au-delà de Tarfaya, à l’ancienne frontière avec le Sahara espagnol. Par leur impact, ces deux décisions sont, certes, limitées.

D’une part, l’acquisition des institutions sud-africaines aux thèses algériennes est notoire et ceci de longue date, à telle enseigne que c’est un jugement favorable au Maroc qui, au contraire, aurait pu surprendre. Par ailleurs, la Commission européenne s’est, dès le premier jugement de la CJUE en décembre 2015, positionnée aux côtés du Royaume, et a à plusieurs reprises confirmé son attachement à son partenariat stratégique avec lui. Elle vient d’ailleurs de décider, le 21 mars 2018, de renouveler l’accord de pêche, en y incluant cette fois explicitement le Sahara marocain, afin d’éviter tout nouveau malentendu à l’avenir. Du reste, l’initiative marocaine pour la négociation d’un statut d’autonomie au Sahara marocain, qui propose de doter les provinces sahariennes du Royaume d’organes législatif, exécutif et judiciaire bénéficiant de compétences exclusives, continue de recueillir les suffrages de la communauté internationale, et demeure à l’heure actuelle la seule solution «sérieuse» et «crédible» (dixit l’Organisation des Nations unies (ONU) elle-même) posée sur la table des négociations.

“Négocier une solution politique”
Il ne faudrait pas, pour autant, baisser la garde. «Il ne faut pas oublier que nos adversaires politiques, à savoir l’Algérie et le Polisario, peuvent tout manigancer,» avertissait, ainsi, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Nasser Bourita, dans l’interview qu’il nous avait accordée suite à la décision de la CJUE (lire n°1246, du 2 au 8 mars 2018). C’est dans ce contexte que l’envoyé personnel du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) au Sahara marocain, Horst Köhler, a présenté le 21 mars son rapport sur le conflit dans la région au Conseil de sécurité, qui s’apprête à étudier le prolongement du mandat de la mission de paix de la MINURSO.

Depuis sa nomination, le 16 août 2017, par Antonio Guterres, l’ancien président de la République fédérale d’Allemagne et directeur général du Fonds monétaire international (FMI) s’est montré beaucoup plus diplomate et, surtout, beaucoup plus neutre que son prédécesseur, Christopher Ross, qui avait gardé de fortes attaches avec la junte algérienne depuis qu’il avait servi en tant qu’ambassadeur des États-Unis à Alger à la fin des années 1980 et avait fait à plusieurs reprises montre d’une partialité flagrante envers le voisin de l’Est. D’ailleurs, M. Köhler est le premier à rappeler qu’il n’a pas été désigné pour imposer sa vision des choses, que ce soit en faveur de l’un comme de l’autre. «Mon rôle n’est pas celui d’un arbitre. Mon rôle est d’aider les parties à négocier une solution politique,» a-t-il expliqué.

À cet égard, le diplomate avait inauguré une série de négociations indirectes mettant à contribution l’Algérie et le Polisario -le 25 janvier 2018 à Berlin- et le Maroc -le 6 mars 2018 à Lisbonne-, en plus de différentes autres parties impliquées uniquement à titre consultatif à l’instar de l’Union africaine (UA) et de l’Union européenne (UE). M. Köhler s’était par ailleurs rendu dans la deuxième moitié du mois d’octobre 2017 dans la région et serait attendu début avril 2018 à Laâyoune, chef-lieu des provinces sahariennes marocaines, pour une visite de quatre jours, ce qui serait une première pour un envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU depuis près de quatre ans, étant donné que M. Ross en avait été interdit par le gouvernement marocain en novembre 2015.

Engagement personnel
Au Conseil de sécurité, il a dit s’attendre à ce que les parties fassent preuve de réalisme et d’une volonté de compromis, et évoquant le jugement de la CJUE sur l’accord de pêche, il a déclaré que cette décision «n’est d’aucune pertinence pour l’ONU». Ce qui revient à ramener le dossier exclusivement aux instances onusiennes, comme M. Köhler s’y était personnellement engagé auprès de M. Bourita à Lisbonne, et met par là même à mal la stratégie juridique adoptée par l’Algérie pour contester la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Le vocable de «réalisme» renvoie par ailleurs à l’intervention, en avril 2008, de l’ancien envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU au Sahara marocain, Peter van Walsum, qui avait soutenu que l’indépendance de la région «n’était pas une proposition réaliste».

Mesquinerie de l’Algérie
Faut-il donc y voir une victoire pour le Maroc? Au Portugal, M. Bourita avait rappelé les principes et les fondamentaux de la position marocaine tels qu’énumérés par le roi Mohammed VI dans son dernier discours de la Marche verte le 6 novembre 2017, à savoir le respect de la souveraineté pleine et entière du Maroc sur son Sahara; l’implication des véritables parties prenantes dans le processus de résolution, à savoir l’Algérie; le cadre strictement onusien de ce processus, alors que la diplomatie algérienne cherche depuis juillet 2014 à impliquer l’UA, dont la position de principe est hostile à l’intégrité territoriale nationale puisqu’elle compte comme membre la pseudo «République arabe sahraouie démocratique» autoproclamée par le Polisario au Sahara marocain en février 1976; enfin, le refus de toute solution allant au-delà de l’autonomie élargie telle que présentée dans le cadre de l’initiative marocaine du 11 avril 2007.

Si le contexte international paraît favorable au Maroc, les décisions de justice sud-africaine et européenne sont là pour rappeler que la vigilance est de mise en ce qui s’agit de ce conflit qui aurait depuis bien longtemps dû être réglé, n’était-ce la mauvaise foi et la mesquinerie de l’Algérie. Prochaine étape, la mi-avril, avec la présentation du rapport de M. Guterres sur la question, et à l’issue duquel le Conseil de sécurité devra décider encore du maintien de la MINURSO. En principe, les mêmes axes de l’intervention de M. Köhker devraient être repris...

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