Le cri d’alarme de Rachid Kourss
En prenant l’avion en janvier 2017 pour la capitale du Gabon, Libreville, Rachid Kourss pensait rester seulement deux mois dans la ville. Chef de projet à la société de solutions de paiement électronique PayLogic basée dans la ville de Casablanca, ce jeune ingénieur informatique -28 ans, lauréat de l’École nationale supérieure d’informatique et d’analyse des systèmes (ENSIAS)- se rendait régulièrement, depuis son recrutement début 2016, en Afrique centrale pour travailler auprès du groupe BGFI (Banque gabonaise et française internationale) Bank, client de PayLogic, sur l’intégration de solutions monétiques.
Au mercredi 5 avril 2017, M. Kourss se trouvait cependant toujours à Libreville. Depuis février 2017, il est en effet écroué à la prison centrale de la ville dans le cadre de l’affaire de la cyberattaque qu’avait essuyée le même mois BGFI Bank et qui avait causé au groupe des pertes de quelque 1,9 milliard de francs CFA (colonies françaises d’Afrique), soit plus de 31 millions de dirhams. Les pirates qui avaient perpétré l’attaque sont d’après des informations révélées le 10 mars 2017 par le conseil d’administration de BGFI Bank basés en Suisse, en Allemagne, au Luxembourg et en France et auraient profité d’une faille qu’ils seraient parvenus à déceler dans le système de cartes Visa prépayées délivrées par le groupe.
Pour l’instant, aucun pirate n’a encore été identifié; en attendant, ce sont les cadres de BGFI Bank qui trinquent. Ainsi, l’administrateur directeur général du groupe, Edgar Théophile Anon, avait été appréhendé à l’aéroport de Libreville, où il venait d’atterrir en provenance de Madagascar, après avoir fui le Gabon le lendemain de l’attaque.
Le moral en baisse
Au total, ce sont neuf personnes qui avaient été incarcérées, dont M. Kourss. Trois jours avant l’attaque, l’ingénieur marocain aurait pourtant averti la direction de la BGFI de la faille dans leur système de cartes Visa prépayées. “Il les avait informés par mail mais personne n’avait donné suite, nous indique le frère aîné de M. Kourss, Lahcen Kourss, qui s’était rendu en février 2017 au chevet de son frère à Libreville. Il a le droit de nous appeler une fois par semaine, et je vous avoue que tant qu’il n’a pas de visibilité sur le court terme, son moral ne cesse de baisser.”
Quelques jours après l’arrestation de M. Kourss, l’ambassadeur du Maroc au Gabon, Abdellah Sbihi, en avait été informé par mail par la famille de l’ingénieur. Aussitôt, il avait mis les pieds à l’étrier et entamé le dialogue avec le ministre de la Justice gabonais, Alexis Boutamba. Il est par ailleurs en contact permanent avec l’avocat mandaté par PayLogic pour défendre M. Kourss, Me Albert Bikalou. “Je n’ai bien sûr aucunement dans l’idée d’interférer dans le cours de la justice gabonaise, qui est reconnue pour son indépendance, mais je me devais d’avertir le gouvernement de la situation du jeune Rachid, nous déclare M. Sbihi. Nous attendons maintenant de recevoir des copies des procès- verbaux de l’enquête; si son nom ne s’y trouve pas, Rachid pourrait être libéré sous caution dans la semaine.” Sur le site web Facebook, la famille de M. Kourss a créé une page sollicitant l’intervention du roi Mohammed VI auprès du président gabonais Ali Bongo Ondimba.
Les deux chefs d’Etat sont connus pour entretenir une forte amitié depuis leur plus tendre enfance