Radio gouvernement

WISSAM EL BOUZDAINI

ENTRE LE RIDICULE ET LE SECOND DEGRÉ, IL N’Y A QU’UN PAS.

Vous n’êtes peut-être pas au courant, et il est un peu normal que vous vous en foutiez car le sujet n’est pas vraiment du plus grand intérêt, mais le 25 janvier 2018, le gouvernement marocain et plus précisément la délégation interministérielle aux Droits de l’Homme a produit un communiqué à tout le moins haut en couleur à l’adresse de Human Rights Watch (HRW) pour s’indigner et fustiger ce qu’il qualifie de «fausses allégations» sur le Maroc. Ces allégations, et même des accusations mensongères poursuit le communiqué, seraient contenues dans le rapport qu’avait une semaine plus tôt publié l’ONG américaine et auraient trait aux événements d’Al Hoceima, ceux de Gdim Izik et à la gestion et au traitement par les autorités publiques des manifestations et rassemblements pacifiques notamment dans la région du Sahara.

Déjà que je ne trouve pas d’intérêt à répondre à une ONG internationale de cette façon: soit elle est de bonne foi et on peut carrément l’inviter au Maroc pour lui expliquer qu’elle s’est gourée et comment elle s’est gourée (je pars du principe qu’on est aussi nickel que ne le prétend le gouvernement), et comme ça on peut espérer que son prochain rapport, si on y tient tant que ça, soit plus clément; soit l’ONG est de mauvaise foi, et je pense que c’est là l’avis du gouvernement, et alors on la laisse causer comme elle veut, car quoi qu’on fasse ça ne changera rien, on sera toujours les méchants dans l’histoire. Ça, c’est pour la forme. Pour le fond, comment dire? Je m’arrêterai aux seuls événements d’Al Hoceïma. Que nous dit, à ce propos, HRW? En gros que le procès des accusés n’est pas équitable. Vrai ou faux, ça c’est un autre débat. Mais pour balayer cette fausse allégation, comme dirait l’autre, que rétorque le gouvernement? Qu’au contraire, la justice est totalement indépendante et qu’elle exercerait ses attributions dans le cadre d’un procès équitable assuré. En d’autres termes, HRW, tu as tout faux, et mon argument c’est que c’est moi qui le dis. Moi, mon avis, c’est que ONG ou pas, il aurait mieux fallu se taire.

Ce n’est pas la première fois, par contre, que je vois notre gouvernement se fendre d’un truc aussi inepte. Ça me rappelle presque des gags qui avaient un certain succès dans l’ex-URSS et qui s’appelaient Radio Erevan. Le concept était celui de questions- réponses humoristiques, sur la base de vrais quizzs qui passaient à l’époque sur la radio du même nom (basée dans la capitale de la République socialiste soviétique d’Arménie, Erevan), et ces questions-réponses servaient à se payer la gueule du régime communiste. Exemple, un auditeur appelle: «Est-il vrai que les conditions dans nos camps de travail sont excellentes?» Réponse de la radio: «C’est vrai. Il y a cinq ans, un de nos auditeurs avait soulevé la même question et avait été envoyé dans un camp, apparemment pour étudier la question. Il n’est pas encore revenu. On nous a dit qu’il s’y était plu.» Imparable.

Reste une dernière hypothèse à étudier: que le communiqué à l’adresse de HRW n’ait été qu’un modèle de pastiche. Ça serait sans doute préférable, même si au vrai, entre le ridicule et le second degré, il n’y a qu’un pas qu’on imagine bien notre gouvernement franchir à son insu...

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