À quand la rationalisation des ressources hydriques?

LE MAROC FACE À LA SÉCHERESSE

On le sait, le Maroc est d’ores et déjà condamné à vivre, au cours des prochaines années, en stress hydrique. Ce qui l’appelle d’autant plus à revoir ses cartes en la matière, notamment au plan de l’irrigation de ses champs agricoles et son adaptation à la nouvelle donne.

Il faudra, à l’évidence, cette année encore faire avec la sécheresse. Car alors que l’automne avance à grand pas et qu’en principe les précipitations auraient d’ores et déjà dû se produire dans différentes régions du Royaume, on constate, au contraire, que la pénurie d’eau se fait, comme en 2019, de nouveau sentir, et que les barrages nationaux ont toutes les difficultés du monde à se remplir.

C’est notamment le cas dans le Souss-Massa, qui voit actuellement ses luxuriants jardins d’agrumes rationnés au millilitre près, tellement la peur que la région bascule littéralement dans la soif se fait sentir. Le souvenir de Zagora, où des émeutes avaient en octobre 2017 éclaté au point de pratiquement donner lieu à un Hirak similaire à celui d’Al-Hoceima et de Jerada, semble pour ainsi dire continuer de marquer les responsables, et, entre les hommes et la végétation, le choix a visiblement rapidement fait d’être opéré.

Et, au cours des prochaines années encore voire, sans nul doute, décennies, ce sera sans doute le même dilemme qui devrait, au même moment de l’année, continuer de se poser, dans la mesure où il est d’ores et déjà établi que le Maroc est condamné au stress hydrique.

Programme prioritaire
Ce stress représenterait, concrètement, selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui s’était fendu d’un communiqué d’alerte à ce propos en septembre 2019, un manque de 350 m3 d’eau par habitant et par an par rapport au seuil fixé par la littérature scientifique à 1.000m3/habitant/an, pour ne constituer donc que 650m3/habitant/an. Et il devrait même, poursuivait la même source, s’aggraver pour atteindre, dès 2030, 500m3/habitant/an, sachant en plus que “certaines études internationales indiquent que les changements climatiques pourraient provoquer la disparition de 80% des ressources d’eau disponibles dans notre pays dans les 25 prochaines années”.

À titre de comparaison, le Maroc pouvait encore offrir en 1960 à sa population une quantité aussi importante que 2.500m3/ habitant/an d’eau, soit le double et demi du seuil minimum. C’est cet état de fait qui, pour rappel, avait poussé le roi Mohammed VI à lancer, le 13 janvier, le programme prioritaire national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027. Doté d’un budget de 115 milliards de dirhams (MMDH), il vise l’amélioration de l’offre hydrique, la gestion de la demande et la valorisation de l’eau ou encore le renforcement de l’approvisionnement en eau potable en milieu rural, avait alors détaillé un communiqué du Cabinet royal.

Le ministre de l’Équipement, Abdelkader Amara, également titulaire du portefeuille de l’Eau dans le gouvernement Saâd Eddine El Othmani, avait notamment indiqué, à l’occasion de la cérémonie de signature au palais royal de Rabat de la convention afférent au programme, qu’une vingtaine de grands barrages d’une capacité de stockage de 5,38 milliards de m3 devraient à son titre être construits, en sus de quelque 909 petits barrages et barrages collinaires, dans le droit fil de la politique des grands barrages mise en place en son temps par le roi Hassan II.

Culture de la pastèque
Ce dont on ne peut bien sûr, au vu des éléments soulignés notamment par le CESE, que se féliciter, en ce sens que le programme tombe à point nommé, mais de nombreux observateurs croient savoir que les autorités marocaines devraient aller encore plus de l’avant. L’Institut marocain pour l’analyse politique (MIPA), un think tank basé à Rabat, avait ainsi mis en cause, dans une note publiée sur son site web le 16 septembre, le fait que le Maroc mette “davantage” l’accent “sur les caractéristiques techniques que sur la gestion de l’eau et les changements dans les pratiques des agriculteurs”.

Faisant notamment mention de Zagora, déjà citée plus haut, le think tank a pointé du doigt le non-sens que la région où elle se trouve connaisse le développement de la culture de la pastèque, et ce avec l’assentiment explicite des différents gouvernements qui se sont succédé depuis plus de douze ans sous les auspices du Plan Maroc vert (PMV) et, depuis février, de Génération Green, alors que cette culture est réputée hydrovore; ce qui, a posteriori, donne un sens on ne peut plus logique aux événements de 2017. Mais on pourrait aussi y ajouter Sebt El Guerdane, dans la province de Taroudant, où les grandes exploitations privent pratiquement, désormais, les petites agriculteurs d’eau.

Génération Green
Le périmètre agricole que la ville couvre a d’ailleurs vu, dès le 19 mai, la dotation qui lui est dévolue être réduite de 70% par le gouvernement El Othmani, et ce au même titre que la plaine de Chtouka. Surtout que le barrage qui l’irrigue, à savoir celui de Youssef Ibn Tachfine sur l’oued Massa, avait vu son taux de remplissage baisser en deçà de la moitié de ses capacités de stockage.

Le MIPA, dans ses recommandations, est, à cet égard, d’avis qu’il faut mettre en place des quotas partout dans le Royaume, en plus de sensibiliser davantage les agriculteurs au changement climatique en les incitant à adapter leurs pratiques et à privilégier les cultures adaptées aux climats semi- arides et arides. Difficile, autrement, de s’imaginer sortir de l’auberge.

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