Comme par hasard, ô combien miraculeux, voilà donc que les autorités marocaines découvrent, ce lundi 28 septembre 2015, qu’Ikea ne dispose pas de «certificat de conformité». Le géant suédois de l’ameublement –dont, pour l’anecdote, le siège social se trouve, en fait… aux Pays- Bas– comptait, pour rappel, inaugurer un centre commercial le lendemain, mardi 29 septembre 2015, dans la ville nouvelle de Zenata, non loin de la ville de Mohammedia. Il s’agit du premier projet du genre d’Ikea au Maroc.
La presse nationale avait même été invitée à rendre visite dans les locaux du nouveau centre, bâti sur 26.000 m2, avec plus de 8.000 produits référencés. Or, il se trouve que ni la commune, ni les administrations concernées, d’après un communiqué de la wilaya de Casablanca, n’auraient accordé le fameux certificat de conformité à Ikea. «L’ouverture de ce centre commercial ne peut se faire qu’après l’obtention d’un certificat de conformité», précise la wilaya. Cela tombe bien, la Suède s’apprêterait à reconnaître la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée par le Front Polisario dans la partie occidentale du Sahara, mais non reconnue par l’Organisation des Nations unies (ONU).
De là à ne pas y voir de lien de cause à effet, malgré le démenti tant marocain que suédois… Le même jour, d’ailleurs, où les services de la wilaya de Casablanca annulaient l’ouverture du centre d’Ikea, se tenait à la primature une réunion rassemblant, une fois n’est pas coutume, dirigeants des partis politiques de la majorité et de l’opposition, pour une fois d’accord –question du Sahara oblige. Il faut dire que la «première cause nationale», pour reprendre la phraséologie officielle, devrait connaître, cette année 2015, des développements, sans doute, cruciaux. D’abord, le 6 novembre 2015 devrait coïncider avec le quarantième anniversaire de la Marche verte. Un chiffre rond, symbolique à plus d’un titre. Ensuite, les pourparlers, presqu’à l’arrêt depuis 2012 et la tenue du 9ème round de Manhasset, dans la ville américaine éponyme, devraient probablement bientôt être relancés. Mais c’est surtout, donc, la prétention de la Suède à reconnaître la RASD qui semble avoir, en premier lieu, motivé la réunion.
Ainsi, depuis le retour aux affaires, fin 2014, du Parti socialdémocrate suédois des travailleurs, dans la foulée des élections législatives suédoises, les indépendantistes sahraouis semblent jouir d’un appui conséquent dans la capitale de la Suède, Stockholm. Qui plus est, c’est en terrain conquis qu’ils semblent avancer. En effet, le parlement suédois avait déjà sonné le tocsin, en 2012, en reconnaissant la RASD, et avait appelé, alors, le gouvernement modéré de Fredrik Reinfeldt à en faire de même. S’il est vrai que le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Salaheddine Mezouar, avait invité, en octobre 2014, les parlementaires à jouer un rôle actif en terme de diplomatie parallèle auprès de leurs homologues suédois, rien ne semble, en réalité, avoir été fait. D’autant que, par ailleurs, il se trouve que depuis le départ, début 2014, de l’ambassadeur Bouchaïb Yahdih, plus personne ne représente le Maroc en Suède. Une faute professionnelle que d’aucuns, parmi les observateurs, qualifient de grave, et qui frise, même, le délit d’incompétence.
Elle met surtout à nu certaines des multiples défaillances de la diplomatie nationale, et que les Marocains avaient déjà eu l’occasion de percer à jour, quelques mois auparavant, sur le réseau social Twitter, avec le grand déballage orchestré par le mystérieux Chris Coleman, à coup de nombreuses fuites de câbles diplomatiques de premier ordre. En Europe, la décision de la Suède de reconnaître, en octobre 2014, l’Etat de Palestine, avait fait fléchir de nombreuses positions sur le Vieux Continent, notamment celle, en décembre 2014, du parlement français.
C’est dire que c’est un pays qui, dans l’imaginaire européen, compte beaucoup. La Suède ne serait pas la seule à être disposée à reconnaître la RASD, et la Slovénie, d’après plusieurs médias nationaux, pourrait lui emboîter le pas. On voit, ainsi, mal comment l’annulation d’un projet de centre commercial pourrait convaincre la communauté internationale de la légitimité de la revendication du Maroc sur le Sahara. Car le problème, en définitive, est bien ailleurs.